Macron l’Africain : entre vanité, arrogance et méconnaissance des réalités du continent

Emmanuel Macron s'est livré à un exercice difficile devant des étudiants rassemblés à l'université de Ouagadougou le 28 novembre. On a bien compris qu'il voulait s'adresser à la jeunesse africaine à qui il a promis de "faire briller le soleil des indépendances" ! Il s'agit de relever le défi des 450 millions de jeunes à insérer d’ici 2050. "Je veux être celui qui aidera l’Europe à s’engager", a-t-il dit, alors qu'il n'existe pas de politique africaine européenne. On a envie d'y croire mais certaines de ses propositions sont teintées de vanité, parfois d'arrogance et, en tout cas, dénotent une méconnaissance des réalités sociologiques africaines.

"Il n’y a plus de politique africaine de la France", s'est-il écrié, comme pour se dédouaner du passé, alors que la France a investi militairement la zone sahélienne avec l'opération Barkhane ! Et elle l'a fait légitimement de par sa responsabilité historique d'ancien pays colonisateur mais, en même temps, elle paraît illégitime à cause, justement, de ce poids de l'Histoire. C'est toute l’ambiguïté qui traverse la jeunesse africaine. Emmanuel Macron aurait tort de croire que sa repentance renouvelée des crimes de la colonisation européenne "incontestables" va flatter cette jeunesse auprès de laquelle il a rendu un hommage appuyé à Thomas Sankara. Ses "Je veux" maintes fois répétés l'auront tout de même trahi et révélé chez lui des relents néocolonialistes. Il s'arroge le droit de savoir mieux que les Africains ce qui est bon pour eux !

Notre Président prend aussi les pays africains pour des start-up. Ce n'est pas parce que la France ouvrira un fonds d'un milliard d’euros pour les entreprises africaines que le miracle se produira. Il méconnaît le dicton maintes fois vérifié « Si nous avons la montre, ils ont le temps ». Et ce n'est pas faire injure aux Africains que de le dire, alors que nous nous précipitons aveuglément sur toutes nouveautés apparaissant ! Comment croire à un nouveau partenariat de codéveloppement avec l'Afrique alors que celui-ci a échoué jusqu'à présent et que ni la France ni l'Europe n'ont la main sur le continent, supplantées par les pays émergents dont la Chine. Et que dire du néomalthusianisme prôné par Emmanuel Macron qui préconise une baisse de la natalité en Afrique ? Que dirait-il si un chef d’État africain venait nous dire en France "Vous devez faire plus d'enfants" ? Si toutes les politiques de limitation de la natalité ont échoué, c'est qu'il y a des raisons profondes dues au poids de la tradition pour laquelle les enfants sont une richesse et non une charge.

Enfin, notre donneur de leçons de Président est allé à Ouagadougou pour dire à la jeunesse africaine que sa responsabilité est immense dans le combat à mener contre les idées de l'islam radical qui gangrène la société burkinabè, y compris dans les discours politiques. Louable intention pour lui qui est incapable de mener une politique ferme de lutte contre l'islam radical dans son propre pays et qu'il a même mis en exergue le phénomène de déscolarisation des filles dans certains quartiers en France ! Quant à l'engagement de l'Europe dans le financement de la force militaire du G5 Sahel destinée à lutter contre le terrorisme, la conférence des donateurs qui aura lieu le 16 décembre à Bruxelles nous donnera une idée de la volonté commune d'y participer, et ce n'est pas gagné.

"La jeunesse doit prendre des risques… la solution est en vous", a-t-il encore dit aux étudiants burkinabè. Les oreilles des chefs d’État africains réunis pour le sommet Afrique/Europe à Abidjan le 29 novembre ont dû siffler, sentant le vent de possibles révolutions à venir.

Philippe Franceschi
Philippe Franceschi
Consultant en sécurité

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