Macron, Hulot et les charognards

Lors de son « grand oral » (Le Monde s'est mis rapidement à la page Blanquer) devant l'Association de la presse présidentielle mardi soir, le Président Macron a pris la défense du ministre Hulot de façon, somme toute, fort classique, très « monde d'avant », et donc un petit peu hasardeuse.

Dans cette affaire Hulot, il y a plusieurs strates, plusieurs cours. Et plusieurs arrière-cours...

D'abord, la cour carrée des grands principes. Quelles sont donc ces colonnes du temple républicain destinées à justifier la nomination de M. Hulot et le soutien que Président et Premier ministre lui apportent farouchement, exigeant même de la pauvre Marlène Schiappa qu'elle sorte de son silence dimanche, comme le révèle Le Canard enchaîné ? (Elle n'aurait, d'ailleurs, pas dû et elle se serait épargné un nouveau faux pas ridicule sur ce marbre glissant. Mais eux non plus. Que pouvait apporter la dialectique de Mme Schiappa à la défense de M. Hulot ?)

Celle du Président est plus intéressante que celle de Mme Schiappa.

Penser que regarder quelque chose qui a été jugé devrait soit me conduire à écarter quelqu'un, soit conduire à le sortir du gouvernement ou à l'empêcher d'exercer, je crois que ça n'est plus le bon fonctionnement.

Jugé ? Le mot est inexact : classé, prescrit, oui, ce qui n'est tout de même pas pareil. Le Président ajoutant qu'il n'était pas informé de la plainte déposée par Pascale Mitterrand contre Nicolas Hulot il y a dix ans.

Or, on est pris d'un doute, d'un « soupçon », dirait le Président. Vraiment, cette plainte d'une petite-fille de Président socialiste contre un animateur télé et leader écologiste n'était pas connue du sérail socialiste ? Des milieux ordinairement très bien informés sur ces affaires potentiellement sensibles ?

Visiblement certains socialistes, collègues de M. Macron dans le gouvernement Hollande, l'étaient davantage que lui. En effet, Le Canard a aussi révélé qu'en off de cette même « conférence de presse », le Président Macron avait eu des mots très durs contre Thierry Mandon, ex-secrétaire d’État à l'Enseignement supérieur jusqu'en mai 2017 et, depuis, reconverti en directeur de L'Ebdo, qui a révélé au grand public l'existence de cette plainte. Cette « affaire », ce serait donc une petite vengeance entre ex-ministres de François Hollande, une vulgaire bataille de petits coqs socialistes...

Il a fait la danse du ventre devant moi avant la présidentielle et, depuis qu'il n'est plus en politique, il essaie de faire son commerce sur le dos des hommes politiques. C'est une fripouille, un charognard !

Que nous sommes loin de cette plainte d'il y a dix ans, et de cette affaire Hulot, s'il y a eu « affaire »...

Propos d'arrière-cour, certes. Mais qui ne peuvent que conforter le citoyen dans ses légitimes soupçons sur les moments où sortent les affaires, et les longs moments pendant lesquels elles sont cachées, tues, inexistantes. Les moments et, bien sûr, les raisons pour lesquelles elles sortent. Quelles qu'en soient les différences, les affaires Cahuzac, Fillon (qui se sont rappelées à nous le temps d'un procès ou d'une validation des comptes de campagne) et, aujourd'hui, Hulot ont ce point commun-là : vieilles de dix ou vingt ans, elles n'ont éclaté que lorsque l'astre personnel de ces hommes atteignait ou allait atteindre son zénith.

Le Président Macron s'est voulu le théoricien du "kairos", du moment opportun, en politique. Il sait très bien qu'il y a aussi un "kairos" des affaires. Autant sous Jupiter qu'avant.

Jouer l'indignation vertueuse à la manière d'un Mitterrand s'en prenant, en 1993, dans des circonstances bien plus dramatiques, aux « chiens » qui avaient mis au jour l'affaire Bérégovoy, n'est pas forcément le meilleur moyen de dissiper les soupçons.

Frédéric Sirgant
Frédéric Sirgant
Chroniqueur à BV, professeur d'Histoire

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