Macron à la Madeleine : une laïcité au petit pied

Devant mon écran, samedi, j'étais heureux de voir cette immense foule chanter du Johnny à gorge déployée et se presser autour de cette magnifique église de la Madeleine pour rendre un dernier hommage et un ultime adieu à une idole qui s'était toujours affirmée, contre vents et marées, malgré une vie souvent dévoyée, comme catholique.

Certes, mon enthousiasme s'est un peu refroidi lorsque le président de la République s'est avancé au devant de la famille, au pied de l'église, pour nous offrir ce que sa communication a de plus détestable. Une gestuelle d'affection débordante de comédie. Serrant dans les bras chacun des membres de la famille devant des millions de téléspectateurs. Puis il a pris la parole pendant de trop longues minutes pour énoncer quelques banalités. Un discours qu'il conclut en demandant à la foule d'applaudir "monsieur Johnny Hallyday". Et là, c'est vrai, il a remonté de quelques degrés dans mon estime, car de voir cette immense foule applaudissant dans un mouvement de vagues profondes était effectivement très émouvant.

Mais j'ai été ému aussi de voir la famille et les proches amis de l'artiste verser, essuyer discrètement une larme et plus tard écouter avec ferveur l'émouvante homélie de Mgr Benoist de Sinety, vicaire général de l'archidiocèse de Paris, qui allait rappeler à quel niveau se situait la foi du chanteur dont il a cité cette phrase : "On peut me faire ce qu’on voudra, je resterai chrétien. Je suis sûr que Jésus, lui, ne m’en veut pas."

Et puis, clou du spectacle, auraient dit les mauvais esprits, lorsque le prêtre pria Emmanuel Macron de venir bénir le cercueil, un mouvement de stupéfaction électrisa la prise de vue : après s'être saisi du goupillon avec lequel il était invité à bénir le corps de Johnny Hallyday, il le reposa aussitôt se contentant de poser ses deux mains sur le cercueil. Une séquence de quelques secondes pendant laquelle le Président se rappela soudainement qu'il était garant de la laïcité de la République ! Sa femme, heureusement, rattrapa l'erreur de son auguste mari en bénissant le cercueil comme il se devait. Car refuser ce dernier hommage à celui qu'il considère comme un héros national, c'était aussi admettre que sa foi n'avait aucune importance.

Édouard Philippe, Gérard Larcher et François Hollande allaient faire de même, de peur, sans doute, de se faire taper sur les doigts par le long cortège des fidèles d'une laïcité de stricte observance, loges en tête de la procession... Quant à Mélenchon, plus tocard que jamais, son coup de goupillon a été sordide : "Le président de la République, chanoine de Latran, participe à une messe dans l'église de la Madeleine, monument religieux contre-républicain, où la prostituée de l'évangile implore le pardon du Christ." Et puis, on aimerait savoir qui a interdit la présence d'un Le Pen à cette cérémonie. Mais ceci est un autre débat.

En tout cas, voilà où nous mène une laïcité républicaine mal comprise. Mais alors pourquoi, dans une cérémonie religieuse israélite, ces gens-là portent-ils la kippa, ou se déchaussent-ils dans une mosquée ? Charles de Gaulle, Georges Pompidou, Valéry Giscard d'Estaing n'ont jamais refusé de faire le signe de croix, signe de leur foi, lorsqu'ils occupaient la plus haute charge de l'État. Voyez les images d'archives lorsque de Gaulle, président de la République française, le 27 juin 1959, arborant le collier de l'ordre du Christ, s'agenouilla devant le pape Jean XXIII et n'hésita pas à former des "vœux les plus ardents... pour la prospérité et la gloire de notre Église catholique".

Décidément, ceux qui nous gouvernent aujourd'hui pratiquent une laïcité au petit pied. Pire : une laïcité boiteuse, pour ne pas dire d'unijambiste...

Floris de Bonneville
Floris de Bonneville
Journaliste - Ancien directeur des rédactions de l’Agence Gamma

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