La machine à chantage se met « En Marche ! »

Le Figaro du 11 avril titre : "La crainte d’un possible duel Le Pen-Mélenchon fait monter le coût de la dette française.". Le 13 avril, l’obscur juge Portelli annonce urbi et orbi sa démission en cas de victoire de Marine Le Pen. Un mois plus tôt, l’ambassadeur de France au Japon, Thierry Dana, non moins obscur que le juge Portelli, avait lui aussi annoncé son refus de servir un éventuel gouvernement du Front national. Mélenchon étant un leurre, le message du « Système » est essentiellement celui-ci : si vous votez Le Pen, non seulement votre dette sera beaucoup plus chère (et vos impôts plus lourds), mais vous n’aurez plus d’État.

L’idée que les Français devront se passer des services du juge Portelli et de l’ambassadeur Dana ne nous empêche pas de dormir. Le peuple français doit être servi par des fonctionnaires et des magistrats qui ont à cœur ses intérêts plutôt que par des caciques déracinés qui servent des intérêts obscurs ou par des illuminés qui ne servent que leurs fantasmes marxistes. La France regorge de jeunes talentueux prêts à remplacer tout ce beau monde. Pas besoin de processus de « lustration », comme dans les pays de l’ancien bloc soviétique, pour se débarrasser des apparatchiki véreux. Ils partent tout seuls.

La question de la dette est, en revanche, beaucoup plus grave. L’article 123 du traité sur l’Union européenne interdit à la France d’emprunter auprès de la Banque de France, l’obligeant ainsi à emprunter sur les marchés internationaux. Notre dette est détenue pour plus de 60 % par des banques, assurances, fonds souverains étrangers. Si les marchés sont confiants dans la stabilité du pays et dans sa capacité de remboursement, ils acceptent des rendements bas en échange de la sécurité du placement. S’ils ne sont pas confiants, il faut les payer plus cher pour qu’ils nous prêtent de l’argent. Or, le comportement des marchés dépend des notes que trois sociétés privées américaines (Standard & Poor's, Moody’s et Fitch) attribuent à la dette de la France, des analyses que les grands quotidiens financiers internationaux font de la stabilité politique, économique et sociale du pays et des déclarations de tel ou tel dirigeant du FMI, de la BCE ou de la Commission européenne. Les choix politiques, économiques et sociaux du peuple français sont donc tributaires de la volonté de quelques dizaines de décideurs à New York et Londres et de leurs serviteurs zélés à Paris, Berlin et Bruxelles.

En 2011, le Système a eu raison en quelques semaines du dernier gouvernement Berlusconi. Procédure : les agences de rating abaissent la note de l’Italie, le Financial Times attaque sa politique économique, le président de la BCE (Trichet) et son futur successeur (Draghi) envoient une lettre secrète au gouvernement italien (opportunément fuitée au Corriere della Sera) demandant plus d’impôts, Merkel et Sarkozy donnent le coup de grâce lors d’une conférence de presse conjointe. Résultat : l’écart de rendement entre la dette italienne et la dette allemande explose, l’Italie risque de rester à sec, Berlusconi démissionne. Qu’on aime ou pas le personnage, il avait été choisi par le peuple italien et sa politique s’est révélée moins destructrice que celle des gouvernements successifs imposés par le Système.

En ne maîtrisant pas le placement de sa dette, la France est donc sous le chantage constant du Système. La France, d’ailleurs, ne maîtrise plus grand-chose. C’est le seul membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU qui n’ait pas de politique monétaire. De Gaulle avait réussi à sortir le pays de la défaite et à le hisser dans le club des vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale. Aujourd’hui, notre politique monétaire est décidée à Francfort, par un banquier italien aux ordres de banquiers allemands. Ironie de l’Histoire.

Virginie Joron
Virginie Joron
Virginie Joron est député français au Parlement européen, membre de la délégation pour les relations avec l’Afghanistan

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