J’ai toujours cru un peu naïvement que « l’activité » politique devait sinon être du domaine du sacerdoce, du moins résulter d’une forme de vocation indissociable de l’esprit de bénévolat. J’ai toujours été choqué qu’un homme politique ayant été « en activité » dispose à vie de certains avantages, quelles que fussent la nature et la dimension de ses « sacrifices », précisément lorsqu’ils ont conduit à l’échec.

La France comptait quelque 300.000 chômeurs autour de 1970 et, presque cinquante ans plus tard, ce chiffre est multiplié par 10. À notre connaissance, nul homme politique au pouvoir pendant cette période n’a connu pire sanction que celle des urnes, ni n’a perdu les avantages liés au « don de sa personne ». Si sacrifice il y a, c’est celui des employés devenus chômeurs durant cette période, point.

Le catholique Bernanos, jamais en retard dans sa lucidité anticapitaliste (argent roi), affirmait en 1947, dans La France contre les robots : "Un jour, on plongera dans la ruine du jour au lendemain des familles entières parce qu’à des milliers de kilomètres pourra être produite la même chose pour deux centimes de moins la tonne." Évoquant l'État, il précisait également ceci : "Tout le monde sait maintenant que le principal rôle de l’Etat, dans le monde moderne, est de tripoter les changes. Lorsque l’économie dirigée a fait de lui une espèce de brocanteur marron, il est ridicule de lui voir prendre le ton de Louis XIV. Nous comprenons mieux chaque jour que ce n’est pas l’État moderne qui dirige l’économie, c’est l’économie qui le dirige, qui le tire au bout d’une corde comme un chien" (Français, si vous saviez, 1946).

Si cela signifie que les hommes politiques ayant la charge de l'État, du temps de Bernanos, faisaient (déjà) semblant de s’opposer ou de résister aux puissances de l’argent, du moins n’en faisaient-ils pas partie. La grande nouveauté (Macron n’est pas le premier, voir Berlusconi et Trump) est que, maintenant, des hommes issus de l’économie et des puissances de l’argent, et soutenus par elles, s’emparent de l’État. C’est pourquoi je ne partage pas tout à fait l’état de pâmoison qui semble s’être emparé de monsieur Bilger ici même : "Un prince, un maître, l’intelligence au pouvoir ! » […] "Ni naïf ni innocent, il se passe d’état de grâce puisqu'une très forte majorité de Français, étonnée, comblée, lui prête de la grâce." Je ne suis pas sûr que la France ne soit pas moins « comblée » par ce « nouveau » visage (quel conte de fées !) qu’exténuée et soulagée de ne plus voir les mêmes tronches qui lui mentirent pendant près d’un demi-siècle pour aboutir aux millions de chômeurs actuels.

À part ça, il se situe strictement dans la droite ligne des pires multiculturalistes-mondialistes actuels (voir son nouveau grand pote canadien). On verra pour qui ce capitaliste multiculturel rendra le monde meilleur : pour l’instant, je me fie à Guaino, héritier de Séguin, pour qui ce n’est "qu’un petit technocrate arrogant". Alors quoi ! Alors quoi ! Aurions-nous là un Président plus ou moins « normal », au motif que ses prédécesseurs immédiats adoptaient des « postures » ridicules ou grotesques ? Depuis quand une certaine « normalité » (être « bien sur soi ») reflète-t-elle la promesse de l’exceptionnel ? Depuis, peut-être, qu’au royaume des aveugles les borgnes sont rois ?

3730 vues

29 mai 2017 à 10:14

La possibilité d'ajouter de nouveaux commentaires a été désactivée.