Livre : Sérotonine, de Michel Houellebecq

Michel Houellebecq revient sur le devant de la scène avec un nouvel ouvrage, Sérotonine. Il semblerait que la France se soit enfin trouvé un écrivain national à mettre en avant, et ce, quelle que soit sa discordance idéologique. À défaut d’un Chateaubriand, notre époque a Michel Houellebecq. Enfin, qu’importe, on a échappé au pire : Christine Angot.

Après Soumission, sorti en 2015, et qui évoquait l’avènement d’un Président islamiste et d’une France à genoux, Houellebecq nous livre un récit pathétique et troublant. La dépravation morale n’est plus collective, elle est personnelle, ce qui la rend plus physique et plus éprouvante pour le lecteur. Il n’a, par ailleurs, rien perdu de son goût pour la provocation anticonformiste : « Je détestais Paris, cette ville infestée de bourgeois écoresponsables me répugnait. »

Houellebecq, dans son style particulier, peu littéraire il faut bien l’avouer, dépeint, en parfait sociologue, les bassesses de l’homme occidental, livré à lui-même dans un monde sans transcendance, dénué de sens et donc de solidarités. Chacun est individualiste et tous sont isolés. La seule lueur d’idéalisme vient d’un passage sur la solidarité entre les producteurs de lait qui, à cause de la mondialisation et de la baisse du prix du lait, voient peu à peu leurs collègues mettre un terme à leur jour, par désespoir. Ils vont décider de mener une action pour défendre leur survie, en vain, et ils le savent.

Le narrateur, sans doute une figure poussée à l’extrême de Houellebecq, oscille donc, au cours du roman, entre le désespoir de vivre et la peur de la mort.

On peut vivre sans espoir : telle est la conclusion.

Il se rappelle ses amours, toutes transformées en blessure et en déception, à cause de sa faiblesse. Il n’a pas su s’engager, aller au bout de son sentiment ; il l’aurait voulu mais il n’en a pas eu la force. Des pans entiers de sa vie passent ainsi devant ses yeux alors qu’il ne voit plus de raison de vivre, ni de mourir d’ailleurs.

Les dernières lueurs de vie apparaissent comme des touches d’un tableau impressionniste ; les femmes, l’amour sont les seuls vecteurs possibles de son bonheur. Seulement, il n’a été présent que de manière épisodique. L’amour seul peut combler un homme, lui enlever tout besoin de sociabilité. « Mes croyances sont limitées, mais elles sont violentes. Je crois à la possibilité du royaume restreint. Je crois à l’amour. » Venant de la part d’un pessimiste froid, cette phrase peut sembler étonnante. Les derniers mots du livre nous en donnent la clé. Ils sont bouleversants, remettant en perspective tout ce qui a précédé et l’ouvrage entier s’en trouve transformé.

En bref, un Michel Houellebecq égal à lui-même, dans ses provocations et son anticonformisme poussé à l’extrême, mais qui se livre véritablement dans ce dernier ouvrage, et pour la première fois.

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