En l’honneur de Manuel Valls !

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Il n'était pas scandaleux que Manuel Valls sollicite l'investiture de La République en marche (REM), même si, initialement, il semble ne pas s'être plié au processus commun. Son cas, heureusement traité par le Président lui-même, a abouti à une synthèse dont il convient de saluer l'habileté politicienne. Il n'aura donc pas l'investiture de REM, mais cette dernière ne présentera pas de candidat contre lui. Manuel Valls a salué cette délicatesse républicaine.

Le désir d'adhésion exprimé par Manuel Valls n'était guère choquant, à considérer cette multitude de socialistes ou autres qui vont clairement à la soupe.

Le sort de Manuel Valls méritait d'être traité avec mesure et justice. La décision de REM à son sujet va-t-elle lui permettre, s'il le désire, de se maintenir au sein du PS qui, annoncé mort assez régulièrement, a cependant par intermittences quelques soubresauts de vie ?

Ceux-ci vont-ils continuer à réclamer l'exclusion de l'ancien Premier ministre ? Il y aurait de la volupté, pour certains, à obliger Manuel Valls à tirer les conséquences de son hostilité à l'égard du PS et de son incapacité à se situer utilement dans la nouvelle configuration politique initiée par l'élection d'Emmanuel Macron.

Jean-Christophe Cambadélis a déclaré : "Valls va être confronté à un problème très simple : il veut aller dans La République en marche... qui ne le veut pas. Donc, à la fin, il va se retrouver sans soutien."

Heureusement, le pire n'est pas toujours sûr et on ne l'a pas privé de toute chance. Le contraire aurait été saumâtre, quand on nous annonce que ses adversaires vont, ici ou là, constituer des mouvements, par exemple aussi attractifs que celui réunissant Anne Hidalgo, Martine Aubry et Christiane Taubira. De quoi nous faire entonner un péan en l'honneur de Manuel Valls !

Je n'oublie pas son volontarisme toujours courroucé, son caractère si ombrageux, mais je ne détestais pas sa fierté trop facilement blessée.

Je n'oublie pas qu'il a tenté - et ce n'était pas un mince exploit -, d'abord comme ministre de l'Intérieur, puis comme Premier ministre, de sauvegarder autant qu'il pouvait l'autorité de l'État, les exigences de la sécurité et la fermeté de la Justice. Je considère que ses désaccords avec Christiane Taubira n'étaient pas loin d'un titre de gloire qui aurait dû montrer le chemin clairvoyant à François Hollande.

Je n'oublie pas qu'il a favorisé l'ascension d'Emmanuel Macron, qu'il a insisté pour qu'il devienne ministre, et je peux comprendre, sans l'approuver, la sourde hostilité qu'il a éprouvée face à ce rival qui osait venir sur son terrain et qui, en plus, était meilleur que lui.

Je n'oublie pas sa puissance de travail et de dévouement, son énergie, ses combats contre les Frondeurs, l'obligation qui a été la sienne de se défier de presque tous, entre un président de la République qui parlait trop aux journalistes, un gouvernement qui ne l'aimait pas et des Français qui ne le comprenaient plus.

Je n'oublie pas que, s'il a persuadé François Hollande de ne pas se représenter, il a eu raison.

Je n'oublie pas qu'il a avalé trop de couleuvres avec résignation ou avec superbe pour qu'on puisse le traiter comme n'importe qui.

Loin de moi d'avoir tout aimé chez lui. L'affaire Dieudonné me reste en travers de la gorge et son soutien inconditionnel à Israël m'a toujours énervé, mais qu'importe !

Je n'oublie pas qu'il m'a fait rêver à une gauche pragmatique et presque désirable.

Je n'oublie pas qu'il a été un précurseur et que sous lui perçait peut-être déjà Emmanuel Macron.

Je n'oublie pas que la classe politique est trop pauvre pour pouvoir se priver de lui.

Il ne faut pas le faire Vallser et j'espère que le Président Macron saura qu'il y a des bienveillances nécessaires qui offensent au moins autant qu'elles rassurent.

Philippe Bilger
Philippe Bilger
Magistrat honoraire - Magistrat honoraire et président de l'Institut de la parole

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