Emmanuel Macron a lancé, ce lundi, le grand débat national en publiant sa Lettre aux Français. Très rapidement, l'opposition a réagi, dénonçant les faux-semblants et la duplicité de ce prétendu « débat » : choix des thèmes par ceux-là mêmes dont la politique est contestée, questions fermées ou orientées, fidélité aux grandes orientations sur lesquelles le Président a été élu, ce qui restreint beaucoup le champ de la réflexion.

Laurent Wauquiez s'est distingué en publiant sur Facebook, quelques heures avant, une Lettre à mes compatriotes pour retrouver le calme. La lettre de Macron – comme les réactions de ses opposants – confirme, s'il en était besoin, que la bataille est d'abord politique.

Pour le pouvoir d'abord, qui essaie de se sortir, sans trop de casse, de la crise révélée par les gilets jaunes : une crise du régime, du mode de gouvernement, des orientations politiques. On ne voit pas comment Macron et ses proches pourraient prendre en compte les aspirations des Français, puisqu'ils répètent continuellement qu'ils ne changeront pas de cap. Au mieux céderont-ils sur quelques points accessoires pour poursuivre leur politique économique et européenne, voire de rares points de convergence pour accélérer leurs réformes. Bref, ils opèrent une diversion, en espérant rehausser leur légitimité bien entamée.

Notre Président abuse de la rhétorique, tente de reprendre la main, ouvre des portes qui conduisent à ses objectifs, en referme d'autres, notamment en matière fiscale. Quand il écrit que "la société que nous voulons est une société dans laquelle pour réussir on ne devrait pas avoir besoin de relations ou de fortune, mais d’effort et de travail", il n'exprime que la voix du bon sens, mais c'est tout le contraire de la politique qu'il a menée jusqu'à présent, en faveur des plus fortunés et ne condamnant le copinage que lorsqu'il est pris en flagrant délit. Quand on apprend que deux ministres vont remplacer Chantal Jouanno pour animer le grand débat, on peut se demander quel caractère démocratique peut avoir une consultation où l'on est à la fois juge et partie.

L'opposition est dans son rôle quand elle dénonce les conditions de ce « débat », qui s'apparente au spectacle d'un illusionniste avec ses trucages. Quant à Laurent Wauquiez, il cherche à faire entendre une voix restée longtemps inaudible, empêtrée dans les divers courants de son parti, tantôt favorable à la spontanéité des gilets jaunes, tantôt aspiré par la tentation de l'ordre, incarnée, en l'occurrence, par Emmanuel Macron...

Il a raison d'affirmer que "la première responsabilité est celle d'Emmanuel Macron", qu'il faut "lutter contre le gaspillage de l’argent public pour baisser les impôts", que la République doit veiller "sur tous les territoires, la ruralité, nos villes moyennes", ou qu'"il faut revaloriser le travail". Il est un peu démagogique quand il déclare que le gouvernement doit revenir sur la mesure des 80 km/h, car ce n'est pas l'essentiel. Mais, dans son parti, qui n'est pas encore remis de son échec à l'élection présidentielle, tous ne sont pas d'accord sur les solutions.

Ce spectacle, quelle que soit la promotion qu'en fera le gouvernement, ne résoudra pas la crise d'un pouvoir qui n'est pas prêt à changer en profondeur sa politique ni sa manière de la conduire. Emmanuel Macron ne pourrait s'en tirer honorablement qu'en acceptant de remettre en jeu sa légitimité par une dissolution de l'Assemblée nationale, voire une démission suivie d'une nouvelle élection présidentielle où il serait candidat. On peut douter qu'il en ait le courage et l'humilité.

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14 janvier 2019 à 19:01

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