Les premiers procès, les menaces, les manipulations politico-médiatiques commencent à émerger. Pourtant, les gilets jaunes continuent leur mobilisation, surtout aux alentours de Toulouse.

Lundi 19 novembre, au rond-point de Lespinasse, face à l'entrée du dépôt Total, une barricade est dressée. Elle est régulièrement alimentée par des sympathisants apportant leur réserve de bois hivernal. Dessus, ce n'est pas le drapeau rouge d'un syndicat, mais bien le drapeau tricolore garantissant l'unité du mouvement.

Autour du giratoire, des palettes flambent pour inviter les gilets jaune à se réchauffer. Il fait 5 °C. Des barbecues s'allument, des tables sont dressées pour partager tartes, gâteaux, café ou bière. Des banderoles sont brandies. "On ne lâchera rien", sonne comme une promesse, "Macron Démission" signale leur détermination. Ils n'étaient qu'une quinzaine dans l'après-midi à s'être rejoints. Il est 23 heures, près de 300 personnes sont là, ils sont déterminés mais loin d'être "radicalisés".

Démobiliser par la peur
C'est la nouvelle mode au sein du gouvernement. Le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, parle d'une "radicalisation du mouvement", comme on parle quotidiennement de la radicalisation des islamistes. En faisant une revue de presse, on parle d'une attaque terroriste déjouée le 17 novembre, de services de renseignement inquiets et Christophe Castaner (encore lui) ose prétendre que "les gilets jaunes affaiblissent le pays face au terrorisme". Mais ce n'est pas tout. Dans d'autres titres, c'est la peste brune qui renaîtrait. Dès le dimanche 18 novembre, ce sont trois cas futiles qui viennent prendre le dessus sur le millier de rassemblements dénombrés. Belle hiérarchisation de l'information. On s'étonne, après, que les gilets jaunes deviennent hostiles à certains médias. Il faut signaler que les équipes d'Infos-Toulouse, mobilisées sur une dizaine de points de blocage depuis samedi, ont toutes été parfaitement accueillies.

Éteindre la colère par la menace
La réduction ad hitlerum, le lien avec les attentats et les déclarations du ministre de l'Intérieur ne suffisant pas, l'État se défend autrement. Plusieurs interventions policières ont été signalées comme particulièrement violentes en France. D'autres intimidations ont été signalées à Balma (près de Toulouse). "Si vous ne laissez pas la circulation reprendre, nous allons sévir", ont lancé des policiers à des manifestants.
À Toulouse, pas d'incidents majeurs à signaler. La gendarmerie mobile est intervenue au petit matin à Lespinasse. Les gilets jaunes ont été évacués et se sont repliés à Fondeyre pour un autre blocage. Ce dernier lieu a été, lui aussi, débloqué dans la journée mais, ce mercredi matin, de nouveaux manifestants étaient revenus sur les lieux. Un jeu du chat et de la souris.
Impossible à canaliser, à contrôler leurs faits et gestes, les sanctions commencent donc à tomber. Sept gilets jaunes comparaissent, mardi, devant le tribunal de grande instance de Toulouse après avoir été identifiés par un huissier sur place ou via les réseaux sociaux. Il leur est reproché d'avoir participé au blocage de la SOCAMIL, la centrale d'achat de Leclerc à Tournefeuille. Le tribunal correctionnel de Toulouse a déclaré, mercredi, que le blocage était "illégal" et menace désormais de condamner à 1.000 euros par heure toute personne identifiée.

Un profil sociologique inédit
Dans les défilés ou les points de blocage, pas de drapeau rouge, pas de pancartes de partis politiques et pas d'« Internationale » entonnée. D'ailleurs, à Balma, elle fut vite écourtée. Seule les slogans annonçant les revendications, les drapeaux bleu-blanc-rouge et les gilets jaunes sont de mise. Il y a de tout, dans ce mouvement. Du syndicaliste de toujours au patriote récemment converti. Du rugbyman de Grenade au motard de Bessières. Peu de militants, essentiellement des lambda. Des personnes qui, après leur journée de travail, décident de continuer la mobilisation au lieu de flâner dans les temples de la consommation.

C'est la France des villes, des campagnes qui se mobilise. La France périphérique d'après Christophe Guilluy. Celle méprisée par les élites et moquée par les banlieusards. Les racailles du haut et les racailles du bas. La France moyenne soucieuse des problématiques qui affectent leur vie quotidienne et les noie sous les embarras. Ils n'arrivent pas à se mobiliser contre des dangers à grande échelle. L'écologie, les retraites, l'immigration ou l'insécurité, ils les côtoient mais n'y sont pas personnellement confrontés tous les jours. Ce qui les motive c'est leur vie quotidienne et c'est ce qui n'est pas compris par les syndicats ou politiques institutionnels.

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22 novembre 2018 à 13:40

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