Les échecs du populiste libéral Trump

Il existe un paradoxe Trump. En effet, les classes populaires et les classes moyennes ont voté majoritairement pour lui aux dernières élections présidentielles américaines. Encore aujourd’hui, elles représentent ses plus gros bataillons parmi le peuple américain. Or, Donald Trump mène une politique économique favorisant les plus riches et excluant les plus pauvres…

Le prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz a pu noter, justement, dans un récent entretien dans Le Monde : "Alors que les États-Unis sont déjà le pays le plus inégalitaire des pays développés, Trump met en place une politique économique conçue pour les ultra-riches mais désastreuse pour l’Américain ordinaire. Il finance une baisse d’impôts pour les très riches par une hausse pour les classes moyennes. Sur le plan éducatif, il fait ouvrir des « charter schools » (écoles privées à financements publics) qui, par le passé, ont pourtant contribué à faire beaucoup augmenter les inégalités." Et d’ajouter : "Par ailleurs, il fait passer une réforme qui va faire perdre à 13 millions d’Américains leur couverture santé, alors que, dans ce pays, le problème du manque d’accès aux soins est tel que l’espérance de vie est aujourd’hui en déclin" ("Trump, président des ultra-riches", 9 et 10 septembre 2018).

Dans le même entretien, Joseph Stiglitz enfonce le clou : "Les revenus des 1 % les plus riches n’ont cessé d’augmenter ces quarante dernières années, tandis que ceux des 90 % les plus pauvres ont stagné. Les faits le prouvent : l’enrichissement des plus riches ne bénéficie qu’aux plus riches. Par ailleurs, l’argent que Trump a rendu aux riches et aux entreprises n’a pas été réinvesti, ni utilisé pour augmenter les salaires, mais a servi à financer des programmes de rachat d’actions, ce qui a mis de l’argent dans les poches d’Américains déjà très riches." Les riches sont donc de plus en plus riches à mesure que les pauvres sont de plus en plus pauvres. On pourrait même dire que c’est parce que les riches sont de plus en plus riches que les pauvres sont de plus en plus pauvres. Les pauvres travaillent à enrichir les riches qui mettent en pratique une politique économique de prédation et aucune forme de redistribution.

Ce qui est vrai aux États-Unis avec Donald Trump l’est aussi en Europe. Les oligarchies financières promettent de réduire les inégalités sociales et de favoriser l’intérêt général, mais renforcent les premières tout en affaiblissant le deuxième.

Quant aux partis populistes, ils n’opposent aucune alternative réelle car leur adhésion à l’économie libérale est globalement intégrée à leur programme (à l’exception du Rassemblement national de Marine Le Pen en France). Stiglitz peut confirmer alors : "Aux États-Unis comme en Europe, un gouffre énorme s’est creusé entre ce qui a été promis par les élites et les résultats obtenus. La mondialisation, censée être bénéfique à tous, a été néfaste à nombre de gens. La libéralisation des marchés financiers, censée créer de la croissance, a abouti à la plus grande crise financière depuis 1929. L’euro, censé apporter la prospérité à toute l’Europe, a enrichi l’Allemagne et affecté les pays européens les plus pauvres. Les électeurs se tournent donc vers les partis qui n’ont jamais été au pouvoir. Mais, les promesses des partis populistes ne seront pas davantage tenues."

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/01/2020 à 17:45.
Arnaud Guyot-Jeannin
Arnaud Guyot-Jeannin
Journaliste et essayiste

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