Le criminel Redoine Faïd, dont la France entière a suivi l'évasion spectaculaire, fait l'objet d'un engouement et d'une mansuétude médiatiques frappants. Pour Philippe Bilger, ce phénomène est très dangereux.

Philippe Bilger en profite pour revenir, au micro de Boulevard Voltaire, sur le mauvais procès en homophobie dont il a fait l'objet il y a quelques jours après un tweet humoristique évoquant l'arrivée de Charles Consigny dans l'émission de Laurent Ruquier. Cette fois, c'est l'avenir de la liberté d'expression qui nourrit ses inquiétudes.

Avant de nous attaquer au cas de Redouane Faïd, pourriez-vous rapidement revenir sur la polémique née de votre tweet sur l’accointance présumée entre Charles Consigny, recruté par On n’est pas couché, et Laurent Ruquier en raison de leur homosexualité à tous les deux ?

Ce tweet se voulait humoristique. J’ai relié deux éléments d’actualité. J’ai repris d’une part le départ de Yann Moix qui sera regretté, c’est évident lorsque quelqu’un s’en va, et d’autre part le fait que Nicolas Ruquier ait complètement pété les plombs contre Nicolas Dupont-Aignan d’une manière tellement singulière qu’on est amené à s’interroger alors que son émission a vu prospérer tant de vulgarités et d’indélicatesses sans qu’il ne réagisse.
J’ai relié cela au point commun revendiqué et affiché entre Laurent Ruquier et Charles Consigny. Je l’ai peut-être fait d’une manière très discutable, et j’admets bien volontiers que la relation pouvait être discutable, mais ma démarche se voulait humoristique. Je n’ai jamais voulu dire que lorsqu’on était homosexuel, on pensait la même chose.
On a tout de même le droit de banaliser l’homosexualité dans le bon sens du terme. Il n’est pas plus honteux de l’afficher que de la nommer, une fois qu’elle est revendiquée.
J’aime intensément la liberté d’expression. Je suis absolument contre l’homophobie, le racisme et l’anti-sémitisme. Mais j’espère que cet enthousiasme légitime et cette détestation nécessaire auront encore une chance de pouvoir prospérer dans un monde qui devient de plus en plus frileux et corseté.
Les réactions et les insultes que j’ai subies relèvent du délire. C’est tout de même assez paradoxal. Dans Le Parisien hier, le journaliste questionne Charles Consigny et s’étonne qu’il s’oppose au Mariage pour Tous alors qu’il est homosexuel. Cela n’a fait aucun scandale. Le Parisien est pourtant infiniment plus lu que mon misérable tweet. Je mesure la différence, mais il semble qu’il y ait quand même deux poids deux mesures.
Cette heureuse banalisation de l’homosexualité que je souhaite et que j’ai mis très modestement en œuvre n’est tout de même pas si absurde lorsqu’on regarde les conflits qui opposent la communauté homosexuelle. La frange qui déteste la marche des fiertés considère qu’on ne peut pas réduire l’homosexualité à sa seule appartenance sexuelle. Elle reproche d’une certaine manière à la marche des fiertés de ne pas banaliser l’homosexualité.

Après l’évasion de Redouane Faïd, vous faisiez remarquer qu’il bénéficiait d’une certaine bienveillance de la part de certains médias. Qu’entendiez-vous par là ?

Je n’avais pas suivi cette affaire dans le détail à l’époque. Mais il me semble qu’il s’était évadé une première fois. Ensuite, je crois qu’il a été condamné à 25 ans de réclusion pour des faits criminels pour avoir avec d’autres tué une policière municipale. Je crois qu’il a été interrogé par des journalistes et il avait dit qu’il avait compris et que cela ne se reproduirait plus jamais.
Il n’est pas le premier criminel à bénéficier d’une telle hyperbole médiatique et d’une telle admiration.
Le simple fait de médiatiser des êtres qui ont commis le pire en les croyant sur parole alors qu’on sait pertinemment que c’est du vent est très dangereux pour la société.

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02 juillet 2018 à 20:29

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