Le macronisme : entre le moralisme et le festivisme

En ce mardi 19 février, les rassemblements contre l’antisémitisme – organisés initialement par le Parti socialiste, mais rejoints comme un seul homme par les partis politiques dits « de gouvernement » – ont constitué une mise en scène surannée. Comment ne pas se rappeler la campagne de SOS Racisme (en 1984) munie de son artillerie lourde en matière de merchandising (T-shirts, badges, etc.) ? Comment ne pas se rappeler, également, ces concerts à ciel ouvert avec les Jean-Jacques Goldman, Daniel Balavoine et Rachid Taha ? Dès lors, à défaut de discuter et de philosopher – ce qui devrait se faire dans une démocratie –, il fallait moraliser et judiciariser. In fine, l’antisémitisme n’a jamais cessé de se répandre comme une traînée de poudre. Car, en réalité, le remède était pire que le mal.

La recette électoraliste de cette gauche mi-figue mi-raisin était fondée sur une alliance fantasmée : celle entre « les feujs » et « les beurs ». Le laboratoire sociologique de ce pari idéologique était le Val-d’Oise, dont Dominique Strauss-Kahn fut le député de 1988 à 2007, en plus d’être maire de Sarcelles de 1995 à 1997. Ce dernier tendait une main aux Juifs – y compris les plus orthodoxes – et l’autre aux Arabo-musulmans qui, à l’époque, n’avaient pas encore basculé dans le salafisme. Et, pour que la pilule passe auprès de ces deux groupes voués à se déchirer éternellement autour du conflit israélo-palestinien, il fallait de la musique, de la kermesse moraliste et surtout une diabolisation excessive des opinions nationalistes. Alors, on ne parlerait que de « la République » et plus jamais de la France.

Malgré les attentats djihadistes de 2015 et de 2016 perpétrés sur le territoire français, celui qui devait devenir le Président Macron n’hésita point à appliquer ce cahier des charges au nom de la restauration de la paix sociale (ce n’est pas un hasard s’il vient de statuer sur un jour férié consacré exclusivement au souvenir des « martyrs » de ces crimes). Et, en dépit de l’aggravation des tensions tant socio-économiques qu’ethniques, il tendit une main à une frange sécessionniste de la population (Mohamed Saou, en 2017) tout en s’accrochant à celle de ses parrains intellectuels (Jacques Attali et Alain Minc) comme à celle de ses actionnaires (Patrick Drahi et Xavier Niel).

Il reste que les Français résisteront, face aux terroristes, avec de la bière, des nounours, des bougies, et Paris est une fête d’Hemingway. Que dirait de tout cela le regretté Philippe Muray, l’auteur du festivisme ? Car la fête de la Musique, la Techno Parade et la Nuit blanche sont autant de manifestations savamment calculées pour que le peuple n’ait jamais envie de se réveiller, et encore moins de se révolter. Les gilets jaunes ont, certes, mis à mal ce protocole festiviste depuis novembre dernier. Toujours est-il qu’ils ont refusé de se conformer aux codes de ce protocole. Par conséquent, le gouvernement a beau jeu de se livrer à un vain prêchi-prêcha. Mais qui se souviendra de ces mots de Schopenhauer ne se pliera pas à ce chantage émotionnel : "Il est plus facile de prêcher la morale que de la fonder." Comme il serait sain de bannir toute identification entre la morale et la politique ! Parce qu’à vingt-cinq images par seconde, c’est d’abord la violence qui est une fête…

Henri Feng
Henri Feng
Docteur en histoire de la philosophie

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