On peut s’interroger sur l’honnêteté intellectuelle de médias qui font de la morale après s’être procuré des informations en caméra cachée ou par quelque autre moyen discutable. On peut aussi se demander si un étudiant qui diffuse des propos off, après s’être engagé à garder le silence, est un exemple à imiter. À croire que la société imaginée par Orwell dans 1984, où règne l’espionnage, est devenue la norme à suivre.

Quoi qu’il en soit, Laurent Wauquiez, président de la région Auvergne-Rhône-Alpes et, depuis peu, patron du parti Les Républicains, est tombé dans le piège. Alors qu’il intervenait à l’École de management de Lyon, il s’est attaqué à plusieurs personnalités politiques, après s’être assuré que rien ne sortirait de la salle : c’était une parole sans filtre dans cet « espace de liberté » que représentait l’école.

Las ! Un petit malin – à moins que ce ne fût prémédité – a bravé la consigne et enregistré une vidéo qui, par un hasard opportun, est tombée entre les mains de la chaîne TMC, productrice de l’émission "Quotidien".

On apprend, ainsi, que Nicolas Sarkozy, quand il était président de la République, se serait comporté en « vrai paranoïaque », mettant ses ministres sur écoute, qu’Emmanuel Macron aurait organisé la chute de François Fillon avec l’aide d’une "cellule de démolition", que Gérald Darmanin "va tomber" et que "pour trouver du charisme [à Angela Merkel], il faut vraiment se lever de bonne heure". Il n’en fallait pas plus pour déchaîner les réactions de La République en marche.

Certains membres du gouvernement ou du Parlement ont rivalisé d’esprit créatif pour condamner Laurent Wauquiez : Christophe Castaner estime que ces propos révèlent "la vraie nature de Wauquiez", tandis que Benjamin Griveaux parle de "diffamations, injures, vulgarité" et autres amabilités. La palme revient à Aurore Bergé, cette députée LREM élue dans les Yvelines avec la bénédiction d’Alain Juppé, qui rebaptise le chef des Républicains en "Brutal et Brutus". Dans le camp LR, c’est surtout la mise en cause de Sarkozy qui gêne aux entournures.

Que ces critiques correspondent ou non à la réalité, le moins que l’on puisse dire, c’est que Laurent Wauquiez s’est montré imprudent. On pourrait, surtout, lui reprocher de se conduire comme il reprocherait à ses adversaires de le faire. Un homme politique, s’il veut rester crédible, se doit d’être le plus exemplaire possible. Il a beau protester en déclarant que ces propos "ont été enregistrés de façon illégale, avec des méthodes peu déontologiques qui ouvrent la voie à des suites judiciaires", le mal est fait.

Voilà qui va, sans doute, rehausser le niveau de la politique dans l’opinion des Français ! Le plus regrettable, c’est que ce non-événement fait le buzz dans les médias, que des politiciens poussent des cris d’orfraie, comme s’il s’agissait du scandale du siècle. On a même entendu des commentateurs insinuer que les fuites seraient intentionnelles, que Laurent Wauquiez faisait son Trump pour rassembler son camp. Hypothèse bien farfelue !

Ces propos, somme toute anecdotiques, n’apprennent rien d’inouï : ils ressemblent à des blagues de potaches qui veulent montrer qu’ils sont initiés, tiennent plus d’une captatio benevolentiae pour s’attirer les faveurs de l’auditoire que d’une entreprise de déstabilisation de personnalités politiques. Après tout, mieux vaut dire carrément ce qu’on pense que de pratiquer le double langage ou la langue de bois !

Cette affaire n’est, au fond, qu’une tempête dans un verre d’eau. Laurent Wauquiez a sans doute péché par excès de confiance : comme il est loin d’être un imbécile, il a probablement juré qu’on ne l’y prendrait plus.

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18 février 2018 à 15:25

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