Laurent et Virginie, c’est fini. Wauquiez a limogé Calmels. Ah, d’accord. Et on est censé pousser des oh et des ah, chanter un Te Deum ou, au contraire, se mettre des cendres sur la tête ? Si j’était vulgaire et que mon anatomie le permettait, je dirais, pour citer un Président célèbre, que ça m'en touche une sans, etc. Vous voyez l’idée. Et je crois ne pas être la seule à le penser.

Les politiques sont comme les acteurs de cinéma : ils doivent envoyer du rêve. Et force est de constater que les dernières productions, à droite, sont plutôt des navets. Pour la défense de Laurent Wauquiez - qui fait des efforts pour retrouver des postures fières de jeune premier téméraire, renouant avec Sens commun, distribuant « Pour que la France reste la France », donnant son congé sans préavis à sa caution centriste Virginie Calmels ou encore avouant à Houellebecq son obnubilation pour Marion Maréchal -, c’est toute la droite qui est frappée, par un syndrome que l’on pourrait appeler « post-politique ». On a cru aux partis, mais c’est fini. Et la déception est à la hauteur des espérances nourries. Tout s’est arrêté il y a un an. Après la Bérézina burlesque de François Hollande, il était si évident que la droite - et une droite digne de ce nom - reviendrait aux commandes. Fillon a été éjecté, puis Marine Le Pen à son tour. Le « système » était trop fort, et eux autres, sans doute, trop faibles, à plusieurs égards.

Dans un article du Monde, il y a un an, la philosophe Chantal Mouffe, proche de Jean-Luc Mélenchon, définissait la "perspective post-politique" comme la "conviction qu’il n’y [avait] pas d’alternative à la mondialisation néo-libérale », à cette « nouvelle forme de gouvernance nommée “centrisme radical”". Pour elle, "Emmanuel Macron [était] le stade suprême de la post-politique".

Qui scrute de près le « nombre de vues », aisément consultable à la fin de chaque article sur Boulevard Voltaire, le constate très vite : la tambouille électorale ne passionne pas. Trop de médecins impuissants se sont présentés au chevet du pays, tandis que d’autres étaient empêchés d’approcher. Et maintenant, le patient est mourant.

« Pour que la France reste la France ? » L’est-elle seulement encore ? Il sont nombreux à se le demander. Certains, optimistes ou croyants, attendent le miracle, guettent ici et là des signes de renaissance ; les autres, stoïciens, commentent sobrement la déconfiture, qu’en leur for intérieur ils appellent La Chute de l’Empire romain, saison 2. Tous s’indignent, périodiquement, de tel nouveau coup de piolet civilisationnel qui les heurte tout spécialement. Saluent ici ou là, dans l’actualité, un acte de courage individuel ou collectif, un homme qui se lève, un notable qui s’oppose, une résistance symbolique - ce sont ces papiers-là qui font le buzz sur Boulevard Voltaire - mais la stratégie organisée au sein d’un parti et en vue de gagner les élections ne semble, pour beaucoup, qu’une option dépassée. Nous sommes à l’ère « post-politique », on vous dit. Et celle-ci peut se révéler explosive car elle n’est régulée, domestiquée, jugulée, contenue par aucun cadre connu, aucun enclos, aucune soupape de sécurité, aucune perspective de changement raisonnable.

Le mouvement est-il irrémédiable ? Sans doute pas. Mais celui qui renversera la vapeur devra avoir ces marques de caractère que l’on a observées, dans l’exercice du pouvoir, à l’étranger et qui, l’espace d’un instant, ont fait vibrer plus désenchantés : le respect de la parole donnée de Giuseppe Conte, l’implacabilité de Vladimir Poutine, le « parler trash » de Donald Trump, etc., mais proprement françaises, débarrassées d’un tropisme KGB, néocon ou pagailleux à l’italienne… ces qualités-là, et bien d’autres encore, avec, au centre d’entre elles, une cohérence complète et assumée. On conviendra que ce n’est pas encore gagné.

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18 juin 2018 à 18:54

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