L’attaque des Champs-Élysées pose la question de l’utilisation des fichiers de police

Va-t-on vers une banalisation des attaques à la voiture bélier en Europe ? C'est ce que l'on pourrait croire après les deux attaques qui viennent de toucher Paris et Londres. Dans le premier cas, dimanche soir, un Britannique de 47 ans, Darren Osborne, a foncé délibérément avec une camionnette sur des fidèles qui sortaient de la mosquée de Finsbury Park à Londres. Cet acte, qui visait des musulmans, a été qualifié d'attentat terroriste par le gouvernement de Theresa May, et a fait onze victimes dont un mort.

Quelques heures plus tard, sur les Champs-Élysées, un individu de 31 ans, Adam Dzaziri, a volontairement percuté, sans faire de victime, un véhicule de la gendarmerie avec une voiture qui contenait une bonbonne de gaz et des armes. Connu pour son appartenance à la mouvance islamiste radicale, l'intéressé est décédé des suites de son agression.

Deux attentats, un mode opératoire identique, mais des motivations fondamentalement différentes.

En Grande-Bretagne, l'agresseur, qui a survécu à son acte criminel, a clairement déclaré lors de son interpellation son intention de tuer des musulmans. Cette agression islamophobe s'inscrit dans un contexte qui, faisant suite aux nombreuses attaques menées par les djihadistes de Daech sur le territoire anglais au cours de ces derniers mois, pousse des individus comme Darren Osborne à réagir en utilisant les mêmes moyens que les islamistes. Au Royaume-uni, le nombre d'agressions et d'actes islamophobes a ainsi quintuplé au cours des dernières années. De tels agissements, même s'ils sont prévisibles compte tenu des fortes tensions qui finissent par régner entre les communautés, ne sont pas sans présenter un grave danger de surenchère terroriste. Loin de régler le problème, ils sont de nature à radicaliser des pans entiers de la population et risquent d'entraîner nos démocraties dans un cycle de violences qui deviendra rapidement incontrôlable.

Le cas de la célèbre avenue parisienne est, quant à lui, différent. Il s'inscrit dans une action terroriste bien connue, qui fait des forces de l'ordre des cibles toutes désignées. En effet, qu'il s'agisse de l'attentat d'Orly, de celui de Notre-Dame et, maintenant, de celui des Champs-Élysées, tous procèdent du même principe et consistent en une action isolée qui, fort heureusement, a abouti à chaque fois à la mort du seul terroriste. Cependant, des questions demeurent. Notamment sur la capacité de la police à détecter et à neutraliser des individus connus des services de renseignement et fichés S. Bien plus : dans le cas parisien survenu ce 19 juin, l'intéressé, qui était en possession d'armes apparemment détenues en toute légalité, faisait aussi l'objet, depuis 2014, d'un mandat d'arrêt émanant de la justice tunisienne pour des faits de terrorisme.

Cet état de fait, qui ne met pas en cause le fonctionnement des différents services concernés, puisque la réglementation, telle qu'elle existe aujourd'hui, semble avoir été respectée, pose néanmoins la question de l'efficacité, et surtout de l'utilisation des fichiers de police. Il paraît, en effet, inconcevable qu'un individu connu pour sa radicalisation ait pu voir renouveler sans aucune difficulté son permis de détention d'armes. Ce cas particulier démontre bien qu'une large réflexion doit être menée sur la façon dont sont établis, gérés et utilisés les fichiers de police dans notre pays. Outils indispensables à l'action des forces de l'ordre dans l'exécution de leurs missions, ils doivent s'adapter à l'état de la menace et devenir de véritables moyens de lutte contre le terrorisme et la grande criminalité. Quant au fait que l'intéressé ait été recherché par la police tunisienne tout en continuant à se déplacer sans difficulté à travers le monde, il pose à nouveau la question de la coopération internationale en matière de lutte contre le terrorisme islamiste.

Olivier Damien
Olivier Damien
Conseiller régional de Bourgogne-Franche-Comté, Commissaire divisionnaire honoraire

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