La région d’Idleb, située au nord-ouest de la Syrie, est la dernière tenue par les islamistes. Et ils y sont très nombreux. En effet, cette région est devenue, au fil des redditions, le réceptacle de tous les islamistes vaincus refusant les accords de réconciliation et exigeant d’être conduits sous protection russe vers Idleb.

Les Syriens n’étaient pas très emballés par cette stratégie mais les Russes les ont convaincus que c’était le seul moyen de reconquérir progressivement le terrain perdu en limitant les pertes. Mais maintenant que Deir ez-Zor, la Ghouta, Hama et Deraa ont successivement été reconquises, il faut bien s’attaquer à Idleb. Plusieurs dizaines de milliers de combattants islamistes y sont concentrés avec leurs familles pour la plupart. Toutes les tendances s’y retrouvent : les soi-disant modérés de l’ASL, des Frères musulmans, des salafistes, des Turkmènes, des cellules dormantes de Daech et - le gros morceau - Tahrir al-Cham, le nouveau nom d’Al-Nosra. Au milieu de tout cela, l’armée turque, bien embarrassée par la tournure que prennent les événements.

C’est peu dire que l’ordre n’a pas régné dans ce chaudron islamiste. Les règlements de comptes y ont été permanents, pour la plus grande joie de services secrets syriens qui y ont pris une part certaine. Les Turcs ont été également très actifs. Ils ont recruté et armé l’ASL, espérant qu’elle prendrait le contrôle de la région ; ils l’ont aussi utilisée comme chair à canon contre les Kurdes lors de la bataille d’Afrine, en mars dernier. Ses combattants se sont, d’ailleurs, comportés avec une cruauté rare.

Mais malgré leurs efforts, c’est Tahrir al-Cham qui domine la situation. Les services secrets turcs ont alors changé de tactique et se sont fixé pour objectif de fusionner l’ASL avec l’ensemble des groupes islamistes. Ils ont fait assassiner les principaux responsables de Tahrir al-Cham qui s’y opposaient et ont massivement armé l’ASL pour qu’elle devienne le fer de lance de cette fusion. L’objectif est, évidemment, de présenter un front uni contre l’armée syrienne et de dissuader celle-ci de lancer une grande offensive terrestre.

Mais que faire si les Syriens attaquent et ne se contentent plus de raids aériens ? Faire tirer sur les alliés des Russes est délicat, surtout si ceux-ci participent à l’offensive. C’est justement la grande inconnue et le comportement russe est observé à la loupe.

Pour Lavrov, le ministre des Affaires étrangères, pas d’hésitation : "Il est nécessaire de porter le coup fatal aux terroristes." Mais pour Lavrentiev, l’envoyé spécial russe en Syrie, "pas question d’une opération d’envergure pour l’instant". Il faut, évidemment, ménager la bonne entente avec le nouvel allié turc, surtout au moment où celui-ci est en froid avec les États-Unis.

Pour l’instant, c’est l’aviation, y compris russe, qui travaille. Et plutôt bien : un important dépôt de munitions de Tahrir al-Cham a été visé avec succès, faisant des dizaines de tués parmi les islamistes. Mais nous n’en sommes qu’au hors-d’œuvre d’une opération pendant laquelle Poutine et Erdoğan se parleront sûrement beaucoup.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/01/2020 à 20:57.

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14 août 2018 à 14:59

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