Mme Merkel et M. Schulz sont contents. Par leur faute, l’Allemagne n’a plus de gouvernement depuis quatre mois. Mais ils viennent de signer un pré-accord de gouvernement. Celui-ci doit être soumis à un référendum des militants socialistes. Chez les chrétiens-démocrates, dirigés par une dame Merkel qui déteste tout ce qui vient de la base, il n’y aura pas de consultation.

Aux dernières élections législatives fédérales, le SPD de M. Schulz n’a eu que 20,1 % des voix et la CDU/CSU conduites par Mme Merkel n’a eu que 32,93 % des suffrages exprimés. 24 % des Allemands n’ont pas voté. La majorité des deux principaux partis est infime. De plus, l’AfD, hostile à l’immigration de masse, a bondi à 12 % et devient le troisième parti allemand. Ce parti est diabolisé arbitrairement (ses équivalents autrichien, suisse et norvégien sont au gouvernement dans leurs pays et n’ont pas produit de catastrophe). Mme Merkel et M. Schulz ont décidé de gouverner ensemble avec des idées totalement opposées, notamment en économie. L’autre solution serait de provoquer des élections, mais les oligarques au pouvoir ont peur d’être désavoués par le peuple au profit de l’AfD (Alternative pour l’Allemagne).

Le problème de l’Allemagne oligarchique actuelle est d’avoir été bâtie dans la crainte du peuple. Seule la Bavière a mis en place, après la guerre mondiale, des référendums d’initiative populaire sur le modèle suisse parce que les juristes qui ont écrit la Constitution bavaroise étaient en exil en Suisse à l’époque du IIIe Reich. Il a fallu attendre la réunification pour que la démocratie directe soit inscrite dans les Constitutions des autres Länder. Les Länder créés en Allemagne de l’Est en bénéficièrent tout de suite. Le raisonnement des Allemands de l’Est était : nous avons vécu sous un régime communiste où le parti prétendait être le peuple. Nous ne voulons pas que cela recommence même si, à l’Ouest, il y a le multipartisme. Nous voulons pouvoir, par le référendum d’initiative populaire, nous opposer à des lois votées par un Parlement au mépris des choix populaires. Ce fut paradoxal. Dans les anciennes villes communistes, on pouvait s’opposer à des décisions des partis élus au Parlement. À l’Ouest, on ne pouvait pas. Peu à peu, les Constitutions des Länder de l’Ouest se sont alignées sur celles de l’Est, beaucoup plus démocratiques par réaction anticommuniste.

Les formules "le parti, c’est le peuple"» (à l’Est) et "les partis sont le peuple" (à l’Ouest) furent considérées comme des impostures. Du temps du chancelier Schröder, ce dernier a voulu étendre la démocratie directe au niveau fédéral comme en Suisse. Tous les partis étaient d’accord sauf la CDU, le parti de madame Merkel. Le Bundestag vota l’introduction du référendum d’initiative populaire, mais à la majorité simple à cause de la CDU. Mais pour changer la Constitution allemande, il faut la majorité des deux tiers. Depuis lors, l’Allemagne n’a toujours pas de démocratie directe au niveau fédéral.

À ce niveau, ce sont des coalitions de partis entre parlementaires qui règnent. Le peuple se sent de plus en plus exclu. La décision d’ouvrir les frontières aux migrants a été prise par la chancelière sans consulter ni le peuple ni même le Parlement (Bundestag).

La base socialiste est furieuse à l’idée de continuer à gouverner avec Mme Merkel. Dans le parti de la chancelière, la colère monte aussi. Le président socialiste Schulz a renoncé à être ministre des Finances. Un système s’effondre. Mais la classe politique établie n’est d’accord que sur une chose : éviter les élections. Elle a trop peur que la parole du peuple ne s’exprime. L’un des plus grands juristes allemands, Hans Herbert von Arnim, professeur à l’École de Spire (l’ENA allemande) et ancien juge de la Cour constitutionnelle, parle d’érosion d’une démocratie allemande profondément corrompue.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/01/2020 à 18:45.

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11 février 2018 à 20:38

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