Et si l'affaire Benalla, loin de ne révéler que les agissements illégaux d'un électron libre parvenu en toute discrétion au cœur des institutions de l'État, était révélatrice de l'existence d'un système de fonctionnement de type mafieux au plus haut niveau du pouvoir dans notre pays ? C'est à cette question fondamentale, porteuse de risques majeurs et sans précédent pour le président de la République, que devra répondre la commission d'enquête parlementaire qui se met, avec difficultés, actuellement en place.

Car les travaux des parlementaires, qui seront amenés à se pencher sur ce dossier, ne pourront se contenter d'aborder les révélations factuelles dont la presse alimente les Français heure par heure. Ils devront s'efforcer de répondre à des interrogations bien plus profondes, et tenter de faire le jour sur ce qui, à n'en pas douter, se révélera vite comme étant un système de fonctionnement que personne, dans les hautes sphères de l'État, ne voulait reconnaître, tout en continuant à profiter de ses services.

Benalla n'est ainsi que le maillon d'un système qui s'est mis en place au fil du temps. Il est, en effet, de notoriété publique que les politiques ont toujours eu recours à des officines de sécurité, notamment à l'occasion de leurs campagnes électorales ou tout simplement pour leur fonctionnement interne, et que ces officines entretiennent, pour certaines d'entre elles, des relations très étroites avec les services officiels de sécurité.

Benalla était donc devenu cet agent facilitateur, ce lien entre le politique au plus haut niveau et les services officiels de l'État. Investi d'une autorité de fait comme collaborateur de l'Élysée – rappelons qu'il était chargé de mission auprès du secrétariat général de la présidence -, cela lui suffisait pour s'introduire et s'immiscer dans le fonctionnement des services de police. D'où sa présence, en particulier, au sein du dispositif de maintien de l'ordre lors du 1er mai.

Ce n'est donc pas sur les agissements d'un individu, pour aussi répréhensibles qu'ils soient, que les députés et les sénateurs vont avoir à se prononcer. Mais bien sur l'existence de tels réseaux au cœur de l'État ainsi que sur la nature des missions qui peuvent parfois leur échoir. De même, ils devront identifier ceux qui en font partie, à quel titre ils occupent des postes officiels payés par le contribuable et, surtout, qui a permis qu'ils soient investis de missions officielles.

Pour qui a eu l'occasion d'être approché par ce genre d'individus, ou d'être en contact avec eux, les réponses devraient être sans ambiguïté. Pourtant, la commission d'enquête aura-t-elle le courage et la possibilité d'aller au fond des choses ? On voit déjà les difficultés que rencontre l'opposition parlementaire pour qu'elle travaille en toute transparence. La présidente LREM de la commission s'opposant à l'audition de certaines personnalités et refusant, par principe, la publicité des débats. La vérité est pourtant due aux Français. C'est à cette seule condition que la confiance, déjà bien entamée, dans le président de la République et son gouvernement pourra être rétablie.

Cependant, il y a fort à parier que l'on assistera à des combats d'arrière-garde. En effet, tout sera certainement mis en œuvre pour épargner celui qui, aujourd'hui, observe un profond mutisme. D'autant que le « fusible » Benalla risque bien, cette fois-ci, d'être insuffisant pour exonérer les responsables qui ne manqueront pas d'être identifiés par les travaux de cette commission.

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21 juillet 2018 à 15:03

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