L’adhésion de Bruno Le Maire à En Marche !, non-événement ou démarche politique ?

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Bruno Le Maire, ministre de l’Économie d’Emmanuel Macron, ex-candidat à la primaire de la droite, a déclaré dimanche 24 septembre dans les colonnes du JDD adhérer à En Marche !, en expliquant qu’il a une culture de droite "mais que ces cultures de droite et de gauche ne recoupent plus les vrais clivages politiques : repli national ou construction européenne, réussite dans la mondialisation ou repli sur soi".

Il est bien clair que les prises de position de Bruno Le Maire sont « droitières ». Partisan de la suppression de l’ISF, du privilège de représentation de la CGT aux élections syndicales, du RSA, acquis à la "flexibilité de l’emploi", il s'est abstenu de voter la loi pour le « mariage gay »…

Il avait même été chargé de la cellule Europe Affaires étrangères dans l’équipe de campagne de François Fillon, avant de le lâcher début mars (pourtant, il avait employé lui aussi sa femme comme assistante parlementaire de 2007 à 2013), et ce n’est qu’au deuxième tour de la présidentielle qu’il déclarera voter pour Macron "pour faire barrage aux extrêmes".

Nommé ministre au mois de mai, il ne pouvait pas faire moins que se représenter aux législatives dans l’Eure sous l’étiquette En Marche !

Pour autant, son adhésion n’est pas que le point d’orgue d’une démarche électorale, mais semble révélatrice d’une conversion assumée.

Quel chemin l’a donc mené de sa critique cinglante de Macron en Juillet 2016 (où il dénonçait la "soupe" du mélange des lignes politiques de son projet) à cette manifestation claire d’allégeance ?

Le moment clé a sans doute été un voyage en juin dernier à New York, où il allait rassurer les investisseurs américains de Wall Street sur la fiabilité économique de la France, et durant lequel il a déclaré aux Américains ébahis : "Macron est Jupiter et je suis Hermès, le messager." Par-delà la confusion entre noms mythologiques grecs et latins indigne d’un normalien et qui laisse deviner une improvisation, le propos révèle que sa révolution est faite et que, ministre d’un homme-dieu qui a "changé le regard de l’étranger sur la France", il se sent investi de la plus haute mission. Alors, tant pis pour le désaccord sur la CSG qu’il voulait baisser et que Macron augmente ! Des détails sans importance face à une telle mission.

Mais il y a plus. Cette adhésion de Bruno Le Maire, dans le contexte actuel où les sénatoriales comme les sondages révèlent un net recul de popularité du nouveau Président, revêt la signification d’un appel pressant lancé à ses ex-collègues des Républicains. Dans les colonnes du JDD où il annonce son adhésion, il les enjoint d’"aider Macron pour servir la France", et de "penser à leur pays avant de penser à leur parti".

Les Républicains qui rechignent à se mettre « En Marche » attendent, peut-être sans le savoir eux-mêmes, de se rallier à un panache insolent, comme sorti des pages de la « droite mousquetaire » de Tillinac, qui flotterait soudain au-dessus du champ de ruines des partis d’une droite hésitante et molle à laquelle ils n’appartenaient que faute de mieux.

Ce que leur signifie Bruno Le Maire, c’est qu’ils risquent d’attendre longtemps leur sauveur suprême car le trou béant qui sépare la droite molle des « extrêmes » abhorrés ne saurait être comblé. Donc, onze millions de voix frontistes risquent de leur manquer aux prochaines échéances, ce qui est un obstacle majeur à une quelconque victoire électorale.

Alors, pourquoi ne pas être pragmatique et tenter, comme lui, de faire passer des idées de droite dans un gouvernement qui semble les tolérer dans certains secteurs (éducation, patrimoine, économie) en faisant l’impasse sur la PMA, les migrants, l’islam et l’Europe ?

Seul, jusqu’à présent, Nicolas Dupont-Aignan a fait le choix inverse, celui d’une alliance avec l’« extrême ». Mais il est vrai qu’il n’est plus chez Les Républicains.

Catherine Rouvier
Catherine Rouvier
Docteur d'Etat en droit public, avocat, maitre de conférences des Universités

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