Il y a, parfois, des enjeux de santé publique, voire mentale, que l’on ne mesure pas à leur juste valeur. Ces trottinettes électriques, par exemple, dont ne parle pas assez. Car, derrière la joie du partage durable et le bonheur monté sur roulettes, rendu possible par les grâces conjointes des fées Hidalgo et Électricité, c’est un autre cortège de malheurs qui fait également son petit bonhomme de chemin.

Ainsi, aux USA, la patrie de tous les possibles – là-bas, tout y est effectivement possible, de la théorie du genre aux produits allégés – et, accessoirement, berceau du bidule merveilleux, on s’inquiète. Il y a de quoi : la pratique quotidienne et intensive de la trottinette électrique y aurait déjà causé près de 1.500 blessés, graves ou légers. Heureusement, pour les mauvais esprits, ou malheureusement, pour ceux de progrès, il y aurait quatre morts à déplorer, si l’on en croit Le Monde de ce jeudi 8 février dernier.

Quelle tragédie ! La trottinette n’est-elle pas la dernière conquête en date de l’homme urbain et moderne ? Qui lui permet de trottiner, l’œil vif, la truffe fraîche et le poil soyeux, vers un avenir radieux ? Voire même avec son semblable, qui se déplace en gyroroue, qui autorise à toiser de concert et de haut son voisin du bas, cet Australopithèque qui se contente de marcher sur deux jambes même pas électriques, au moyen de pieds sûrement pas connectés. Lequel préfère, généralement, flâner à la devanture des dernières librairies des mégapoles ou lancer des « regards appuyés » aux filles, pour reprendre la terminologie d’un siècle dépassé, autre exercice lui aussi à forte dangerosité ajoutée.

Assez parlé de ces dinosaures, car trottinette et gyroroue sont le must des citoyens solidaires et écoresponsables. Certes, lorsque ces derniers déboulent à l’aveuglette, les yeux rivés sur leurs si mal nommés smartphones – à quand le dumbphone ? –, juste histoire de vérifier s’ils ne seraient pas un peu l’homme de demain, en direction de ces piétons attardés dont on vous causait à l’instant, il peut y avoir conflit d’intérêts.

En effet, il y en a encore (les égoïstes) pour continuer d’estimer que le trottoir est fait pour marcher et la chaussée pour rouler. A-t-on idée d’être à ce point rétrograde ? Que fait la police ? Eh bien, à en lire Le Parisien du 5 janvier 2019, la police s’inquiéterait de ces « objets de mobilité partagée », transformés en « armes par destination » ; on ne chantera jamais assez la beauté et la poésie de la langue administrative. Bref, voilà qui signifie que, gilets jaunes obligent, les trottinettes électriques seraient devenues arme de prédilection pour les manifestants.

Poignant, ce que nous apprend ce quotidien : « Le 22 décembre 2018, près des Champs-Élysées, des motards de la police ont été ciblés par des jets de trottinettes électriques. » Ce ne sont pas encore des armes de destruction massive, quoique ça puisse bougrement commencer à y ressembler. Mais que l’honnête citoyen se rassure, la même source nous indique : « Fort heureusement, on ne compte pas encore de policier blessé par un jet de trottinette. »

En revanche, les gilets jaunes éborgnés aux Flash-Ball®, aux mains arrachées par les grenades de désencerclement, on peut sans problème les compter. Même si, objectivement, la trottinette électrique n’y est pour rien.

Pour demeurer dans le registre des blessés et des polytraumatisés, nous apprenons encore que 40 % des accidentés de la trottinette électrique seraient blessés à la tête. Voilà qui est une bonne nouvelle, sachant que, dans leur cas, aucun organe vital n’aura été touché.

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09 février 2019 à 10:35

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