La prétention de Bercy : faire payer leurs impôts en France aux grands patrons

BERCY

Les grands patrons touchent parfois des sommes extraordinairement élevées, autant ou plus que des footballeurs. Mais, malgré cela, ils font rarement preuve de patriotisme fiscal et s’arrangent pour payer le moins possible de taxes, à l’instar des stars du ballon rond. N'Golo Kanté, ce joueur de l'équipe de France et de Chelsea, a fait sensation en refusant un montage passant par l’île de Jersey qui lui aurait permis de minorer au maximum les sommes abandonnées au fisc.

Le gouvernement éprouve le besoin de justifier son refus de réintroduire l’ISF. Aussi, il montre ses muscles et enjoint aux patrons de payer leurs impôts en France. Le ministre de l’Économie sera, paraît-il, attentif aux impôts payés par les dirigeants d’entreprises, surtout celles où l’État a une participation - même minoritaire. Mais cette déclaration martiale est une façade car, bien entendu, rien ne changera. Que peut faire l’État ? Pas grand-chose ! On ne doit rien à la France si on séjourne moins de 183 jours dans l’Hexagone. Il suffit de s’organiser en conséquence et vivre, par exemple, une partie de l’année au Portugal. On peut aussi, en gardant son domicile principal en France, se faire verser de grasses rémunérations par des filiales créées, pour l’occasion, dans des pays européens à la taxation légère. Il est possible, aussi, sans avoir recours à des paradis fiscaux, de minorer ses impôts en mettant en place une société, genre droit à l’image, qui verse des dividendes élevés. Ceux-ci sont, depuis 2018, taxés à 30 %, ce qui est appréciable si on tutoie la tranche d’impôt à 45 %.

Nous voyons donc que cette annonce de Bercy, relayée largement et avec complaisance dans les médias, n’est que de la propagande. Nous sommes, qu’on le veuille ou non, dans une société mondialisée et les moyens, pour les plus fortunés, d’échapper au fisc sont innombrables. À peine vote-t-on une loi pour colmater une brèche juridique que deux autres se créent dans le même temps. L’État est impuissant face aux très riches qui ont les moyens de se payer les meilleurs avocats fiscalistes. C’est pour cette raison que tous les gouvernements se rabattent sur les classes populaires et moyennes, qui n’ont aucun moyen de se défendre et doivent subir les perpétuelles augmentations. Eux sont bien obligés de payer ! La révolte des gilets jaunes vient de là.

Pour les entreprises, l’Europe prétend vouloir mettre le holà à une dérive coûteuse. Des firmes comme Airbnb ou Amazon ne payent pas d’impôts là où elles ont des activités, car elles versent des royalties injustifiées et conséquentes à une filiale installée en Irlande ou aux Pays-Bas, pays où le taux de l’impôt sur les sociétés est très bas. Bruxelles parle d’interdire ce montage, chaque firme devant payer ses impôts là où elle a ses activité, mais l’Union européenne ira-t-elle jusqu’au bout ? On peut en douter, car certains de ses membres (notamment l’Irlande) profitent à fond de ce système. La croissance de l’Eire, le Tigre celtique, est liée à ce montage fructueux. Aussi refusera-t-elle toute modification européenne. Elle n’est pas suicidaire !

Reste une solution qu’il faudra bien mettre en place pour sauver les intérêts de la France : baisser l’impôt sur les sociétés et établir, pour compenser, une taxe sur le trafic Internet. Google, Amazon, Airbnb… seraient bien obligés de passer à la caisse. On en parle beaucoup mais on n'en fait rien. Y a-t-il une réelle volonté de lutter contre l’optimisation fiscale ?

Christian de Moliner
Christian de Moliner
Professeur agrégé et écrivain

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