La « civilité sexuelle » en débat

Irene Thery

Le Palais, ce lundi 18 mars. Lui, manchettes impeccables, c’est le disciple de Hegel. Le dialecticien du concept du « en même temps ». Elle, assise à sa droite, c’est Irène Théry, sociologue ès qualités, du droit de la famille et de la vie privée, professeur à l’EHESS et l’auteur d’un livre : Mariage et filiation pour tous. En arrière-plan, la tête du papa d’Amandine indique l’obscur objet du débat. Le cadrage est celui de la fenêtre d’Overton, cette théorie du discours qui fait croire au peuple n’importe quoi par la puissance du politique.

Pourquoi le pensable redevient-il tabou ? Pas besoin de thèse ni de plan ni de stratégie. Pas besoin, non plus, d’arguments : ils nuiraient à la thèse. Pas de prise en compte d’un examen critique. Une seule idée, martelée (verbe orwellien) : la filiation pour tous. L’horizon dialectique, c’est la filiation pour tous. Le discours procède par palier, et la langue est celle de l’affect avec ses amplifications, ses clichés : la peur des vieux démons.

Partons d’un constat, comme on dit : le malaise des Français dû au report du calendrier législatif concernant la filiation pour tous. La cause : le souvenir de LMPT, source d’un trauma pour la France au moment précis où on « intégrait » les homos au cœur de nos institutions . Annus horribilis pour eux, à effet différé, dont la sidération des politiques est la preuve. La raison de ce désarroi ? La "nouvelle donne de l’immense révolution anthropologique" qu’est l’égalité des sexes, égalité qui n’est pas "l’enveloppe de la valeur contraire". "Nous venons de très loin", reconnaît l’oratrice. Finie, la vieille hiérarchie. "La nouvelle règle du jeu, c’est quoi les valeurs fondamentales ? C’est comment on se repère en matière de civilité sexuelle." L’oratrice dit la peur de "crispations identitaires" capables d’embraser la planète. Et d’exprimer la honte d’appartenir à une génération qui renoncerait aux valeurs… "qui font que les familles se lèvent tôt le matin". On ne peut tout citer.

Conclusion : il faut défendre "les familles issues du don" qui ont droit à une place au soleil. Irène Théry dit son credo dans les valeurs progressistes.

Dans ce discours quodlibétique, notre Président a répondu en fin dialecticien. Lui, il n’a pas de "malaise". On ne pourra pas dire qu’il n’y a pas eu de débat ! Certes, certains de ces débats ne seront pas apaisés pour les raisons (?) que madame Théry évoque. Mais pour lui, la décision est là, dans l’annonce du calendrier du Premier ministre. Ce qui n’enlèvera pas le malaise, mais ces mois "sont un acquis sur la capacité que ces changements soient acceptés". Dame, il y aura des gagnants et des perdants ! Rendez-vous en mai, les gens !

Dans le discours d’Irène Théry, où sont les arguments pro et contra ? On imaginait le disciple de Ricœur plus exigeant sur le fond et la forme. Et la levée de l’anonymat du « don » ? On ne peut quand même pas penser que notre Président s’en lave les mains comme Ponce Pilate.

Marie-Hélène Verdier
Marie-Hélène Verdier
Agrégée de Lettres Classiques

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