Kim-Trump : gros « shake hand » et diplomatie hollywoodienne . Et après ?

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Qui est le plus retors ? Qui est le plus Tartuffe ? Qui va entuber l’autre ? Dans la surenchère médiatique qui agite la planète, difficile de départager les finalistes de ce dernier épisode de télé-réalité. Qui, de Kim ou de Trump, le gros brun ou le grand blond, va sortir vainqueur de cette improbable rencontre ?

Car c’est un incroyable moment de cirque que ce sommet entre les plus foutraques et les plus narcissiques des chefs d’État, même si les béats feignent de croire que « la planète se rassure » (LCI).

À qui profite ce sommet ? À Kim Jong-un, assurément, dont la surenchère dans la menace nucléaire n’a visé qu’à une chose : maintenir coûte que coûte la survie de son régime dictatorial.

Et voilà Trump, au terme d’une journée de "négociations" – pour quel résultat tangible ? –, qui salue dans cet affameur de peuple, ce tortionnaire, cet assassin de sa propre famille, « un homme extrêmement talentueux ». Cela parce qu’il a su « gérer des situations difficiles » ! Du Trump tout craché, en somme : injurieux pour un Justin Trudeau et ses alliés européens, obséquieux avec le dernier dictateur communiste avec qui il aurait noué « une relation formidable ». Mais l’amour a ses raisons, et Trump ne prend même pas la peine de les dissimuler : « Il n’y a pas de limites à ce que la Corée du Nord peut faire », a-t-il dit dans sa conférence de presse, et d’évoquer les futurs « échanges commerciaux » entre leurs deux pays, cela, bien sûr, « pour la liberté de son peuple ». Autrement dit, un bel avenir de McDo, de Coca-Cola et d’obésité pour les Nord-Coréens.

Mais qu’est-il sorti de ce grand moment de diplomatie hollywoodienne ?

Rien, ou presque. De vagues promesses qui n’engagent que ceux qui les entendent et qui, c’est bien probable, ne seront pas davantage respectées que les précédents accords. « Dans le passé, les Coréens sont revenus sur leurs promesses », a concédé Donald Trump. Et lui, donc ! Que vaut, aujourd’hui, la parole des États-Unis sur le plan international ? Que vaut la signature des rois du monde sur un traité ?

Pour ce qu’on en connaît, le texte signé ce mardi par les deux parties est d’ailleurs bien ambigu, car si Washington réclamait la dénucléarisation "complète, vérifiable et irréversible" de la péninsule, ce n’est pas tout à fait ce qui a été conclu. S’il est dit que "les États-Unis et la Corée du Nord travailleront ensemble à la construction d'un régime durable, stable et pacifique dans la péninsule coréenne", les premiers offrant aux seconds des « garanties de sécurité », Kim Jong-un n’a signé que la "dénucléarisation complète de la péninsule coréenne", ce qui pourrait tout aussi bien viser la présence des troupes américaines en Corée du Sud (35.000 hommes) que les forces stationnées au Japon (50.000 hommes), voire les missiles intercontinentaux basés en Alaska, comme le souligne Le Point.

Pour l’heure, le seul fait incontestable est la légitimation du régime de la Corée du Nord, Trump s’engageant même à recevoir Kim Jong-un à la Maison-Blanche. De quoi finir d’en faire un chef d’État tout à fait respectable. Les États-Unis et la Corée du Nord s’achemineraient, ainsi, vers des « relations diplomatiques normales ». Reste qu’on se demande ce que Trump en connaît, sachant qu’à ce jour, 79 pays de par le monde n’ont plus d’ambassadeur américain. Et ceux qui sont en poste sont parfois fort peu diplomates, à l’instar d’un Richard Grenell, le nouveau représentant des États-Unis à Berlin, qui ne semble pas bien connaître le devoir de réserve qui incombe à sa fonction.

Reste qu’en fin de compte, the winner is… la Chine, bien sûr ! La Chine, qui rêve de voir cesser « les jeux de guerre », comme les nomme Donald Trump, afin d’asseoir sa propre domination dans cette partie du monde.

Marie Delarue
Marie Delarue
Journaliste à BV, artiste

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