Juan Carlos Sosa Azpurúa : « Maduro n’est même plus maître de sa vie »

Opposant historique au "chávisme", grand spécialiste des questions énergétiques, Juan Carlos Sosa Azpurúa revient, pour Boulevard Voltaire, sur les événements en cours au Venezuela. Sosa Azpurúa, qui n’hésite pas à qualifier le régime de Maduro de "mafieux", appelle la communauté internationale à augmenter la pression contre le régime Maduro et à faciliter l’envoi d’aide humanitaire. Toutefois, il écarte le risque d’un affrontement généralisé.

D’après vous, le Venezuela risque-t-il de sombrer dans la guerre civile ?

Si vous tenez compte du fait que 90 % des Vénézuéliens souhaitent le changement, cette hypothèse paraît peu probable. Je ne crois pas que l’on puisse appeler « guerre civile » les tentatives de certains délinquants, armés par Maduro, de semer la panique et l’angoisse au sein de la population vénézuélienne. N’oublions pas que le régime peut compter sur un contingent considérable d’officiers et de soldats cubains, sans oublier les milices et autres collectifs pro-régime. Ces trois contingents constituent des groupes paramilitaires entraînés pour espionner, poursuivre et assassiner les Vénézuéliens. Donc, on ne peut pas qualifier leurs actions comme un affrontement entre Vénézuéliens. Il s’agit d’actes délictueux qui doivent être poursuivis par le gouvernement légitime incarné par Juan Guaidó.

Juan Guaidó est-il aujourd’hui le maître du Venezuela ?

Le président de la République contrôle tout le pays sauf le pouvoir des armes. Malheureusement, pendant vingt ans, ce régime néfaste a déployé beaucoup d’énergie pour détruire, s’assurer du soutien quasi total de l’armée, qu’il n’hésite pas à utiliser comme un cartel de la drogue et un support du terrorisme international. Il est donc difficile d’imaginer que l’élite militaire, avec deux décennies de violations des droits de l’homme et de crimes contre l’humanité au compteur, se rangeront du côté de la Constitution. D’ailleurs, cette période a été très profitable pour eux.

Profitable ? Que voulez-vous dire ?

Les chefs de l’armée et une partie des officiers supérieurs ont accumulé des fortunes qui n’ont rien à envier à celles de Jeff Bezos ou Bill Gates. La plupart des militaires honnêtes ont été soit emprisonnés, soit expulsés, soit exilés, soit assassinés par le régime. Quant aux autres, ils sont surveillés 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 par les "sapos"*.

Plus clairement, quel est l’état de l’armée du Venezuela ?

Il n’y a plus vraiment de commandement unique, il n’y subsiste ni réelle discipline ni mystique. Les soldats reçoivent une idéologie cubaine depuis vingt ans. Chaque année, des promotions entières d’officiers et de sous-officiers sont programmées pour défendre ce qu’ils appellent "la révolution", ce que j’appellerai plutôt le saccage du Venezuela et sa soumission aux bandes mafieuses, la persécution et la suppression de tout ce qui peut représenter un danger pour la soi-disant révolution.

Néanmoins, la pression finira bien par éroder la fidélité de l’armée à Maduro ?

Je le souhaite de toutes mes forces mais je n’y crois guère. Ils n’ont pas bronché lorsque le régime massacra nos jeunes lors des manifestations ou lorsque Oscar Perez** et ses partisans furent massacrés en direct il y a un an. En conséquence, la grande majorité de l’armée continuera de soutenir Maduro à quelques exception près. C’est pour cette raison que la situation au Venezuela exige, de façon urgente, le soutien de la communauté internationale afin que Maduro et sa mafia abandonnent un pouvoir détenu illégalement.

Comment la reconnaissance de Guaidó par le Parlement européen peut-elle influencer le cours des événements ?

Cette reconnaissance renforce sa légitimité face à Nicolás Maduro. Cela pourrait, à terme, lui permettre d’agir concrètement en ordonnant, par exemple, le gel de comptes bancaires, un financement pour mettre en marche des politiques publiques ou encore la recherche de soutiens pour pouvoir bénéficier d’une aide humanitaire que le pays réclame à grands cris.

Malgré le fait que Guaidó ait été reconnu, à ce jour, par plus de soixante pays, Maduro ne cède pas. Pourquoi ?

Parce que Maduro n’est pas plus maître du pays que de sa propre vie ! Il n’est que la partie émergée de cet iceberg mafieux et criminel, armé à Cuba, qui dirige notre pays. Maduro est un pantin dont les ficelles sont tirées par les pires mains de la planète. Ce régime a généré des ressources financières extraordinaires pendant des années. C’est pourquoi il est impératif que cela cesse !

De quelle manière ?

Si Maduro finit par chuter, il sera alors possible de faire la lumière sur cet échafaudage. Le sang de la corruption qui a coulé dans toutes les artères de l’organisme vénézuélien est la raison pour laquelle ces infréquentables sont parvenus à se maintenir si longtemps au pouvoir. Je le dis et je le répète, nous affrontons un véritable cartel criminel. Ce qui se passe au Venezuela est une tragédie qui dépasse celles écrites par Sophocle, Eschyle ou Euripide.

* NDLR : "sapos" se traduit par « crapauds », en français. Il s’agit d’unités formées pour s’infiltrer dans des groupes d’opposition potentielle afin de les saborder de l’intérieur.
** Oscar Perez : leader des policiers dissidents au régime de Maduro pendant les troubles de 2017, lui et ses hommes furent traqués par le régime avant d’être abattus lors d’une fusillade en janvier 2018. Il était devenu une véritable icône de l’opposition au Venezuela.

Entretien réalisé par José María Ballester Esquivias

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/01/2020 à 17:58.
Juan Carlos Sosa Azpurúa
Juan Carlos Sosa Azpurúa
Ecrivain, avocat, éditeur, professeur d'université, spécialiste des questions énergétiques, opposant historique au "chavisme"

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