José-Maria Ballester : « Le gouvernement est très déstabilisé par les scandales, et cela en plein défi catalan »

Après cent jours au pouvoir, le gouvernement espagnol du socialiste Pedro Sánchez est secoué par des scandales politiques qui touchent plusieurs ministres, certains étant amenés à démissionner.

Le journaliste espagnol José-Maria Ballester évoque cette crise qui fragilise l'exécutif et pourrait conduire à des élections anticipées.

Le ministre de la Justice espagnol est au cœur d’un scandale. Qu’en est-il ?

Hier, c’était le ministre de la Justice, aujourd’hui, c’est le ministre de l’innovation technologique.
Monsieur Sánchez a accédé au pouvoir en promettant la régénération et la propreté. Deux ministres ont déjà démissionné depuis son entrée en fonction le 1er juin.
Le 8 juin, le ministre de la Culture a démissionné pour ses déboires passés avec le fisc.
Autour du 11 septembre, le ministre de la Santé, madame Monton, a démissionné à cause des conditions d’obtention de son master qui n’était pas claires du tout. Une enquête a, d’ailleurs, été ouverte.
Depuis quatre jours, c’est le ministre de la Justice, madame Delgado, qui a rencontré au moins trois fois dans le passé, lorsqu'elle était procureur, un commissaire ripoux. C’est un policier qui a établi un réseau d’espionnage parallèle. Il est en train de faire du chantage à beaucoup de personnalités espagnoles, notamment le roi émérite Juan Carlos. Ce commissaire est en détention préventive depuis quelques mois. Il essaie de forcer sa sortie en faisant chanter quelques personnalités.
Depuis trois jours, sur un site Internet qui a été fondé très récemment, on a l’occasion de lire des enregistrements qu'il a effectués à l’insu de ses interlocuteurs, et notamment madame Delgado. Elle aurait utilisé un sobriquet peu aimable pour les homosexuels, pour désigner son collègue ministre de l’Intérieur Fernando Grande-Marlaska avec qui elle entretient certaines rivalités depuis quelque temps. L’un est magistrat du parquet et l’autre est magistrat du siège à l’Assemblée nationale. Ils y étaient tous les deux avant d'entrer au gouvernement.
Alors, évidemment, pour un gouvernement qui prêche l’égalitarisme, l’idéologie du genre et qui adopte une bonne partie de l’agenda LGBT, un ministre qui utilise un sobriquet pas très aimable pour désigner un de ses collègues, cela ne fait pas très joli.
Au cours de ces enregistrements illégaux, il aurait été dit que quelques magistrats auraient participé à des fêtes avec des mineurs lors d’un voyage en Colombie. Cela provoque beaucoup de scandale.
Le Premier ministre dit que madame Delgado ne démissionnera pas. Cela s'explique par deux raisons. Un troisième ministre, en moins de trois mois et demi au gouvernement, qui serait obligé de démissionner serait catastrophique pour la stabilité de son équipe qui ne tient déjà qu’à un fil. Et il dit qu'il n'a pas à céder aux maîtres-chanteurs. Je ne dis pas qu’il a raison, mais c’est un argument qui a un certain poids.
De façon générale, son gouvernement est quand même très instable. Il n’est pas exclu qu’il y ait des élections anticipées en Espagne d’ici quelques mois.
Aujourd’hui, c’est le ministre de l’Innovation technologique qui est inquiété. L’ancien astronaute, Pedro Duque, est une des vedettes de ce nouveau gouvernement, une sorte de Nicolas Hulot à l’espagnole, la personnalité de la société civile appréciée par l’opinion publique qui va enfin gouverner. Aujourd’hui, un autre site Internet très incisif dit qu’il a fondé une société-écran pour gérer sa résidence secondaire afin de payer moins d’impôt et d’optimiser fiscalement cette situation.
Il a donné des explications un peu maladroites en disant que c’est son notaire qui le lui avait conseillé. Tout cela déstabilise encore un peu plus le gouvernement, surtout en plein défi catalan.

Peut-on envisager que le camp politique de Mariano Rajoy qui a été écarté puisse revenir au pouvoir assez rapidement avec tous ces bouleversements au sein du gouvernement espagnol?

Dimanche dernier, lors d’un entretien cordial dans El País, le leader de Podemos a dit : « Plus jamais personne ne gouvernera en solitaire en Espagne. » C’est une phrase arrogante, fidèle à lui-même. Mais n’aurait-il pas un peu raison ? Il ne faut pas l’exclure. Je doute que Casado puisse gouverner avec la majorité absolue comme Rajoy entre 2011 et 2015. Dans tous les cas, il devra s’allier à Ciudadanos. Il est très important de rappeler, par ailleurs, que le parti de la droite conservatrice, Vox, risque de faire son entrée au Parlement. Pour la première fois, les sondages lui attribuent entre un et trois sièges.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/01/2020 à 19:11.
José Maria Ballester
José Maria Ballester
Journaliste espagnol

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