Jean-Pierre Chevènement, représentant spécial de la France depuis 2012, dans le cadre de la « diplomatie économique » du Quai d'Orsay, vient d’être décoré de l’ordre de l’Amitié par vladimir Poutine. Quelques russophobes entêtés ne manqueront pas de lui reprocher ses accointances avec un ancien du KGB, un autocrate dont ils réprouvent la politique intérieure et internationale.

Jean-Pierre Chevènement n’est pas un saint. Ses tribulations politiques pourraient même le faire passer parfois pour un opportuniste s’il n’avait pas manifesté une constante dans ses choix : son exigence de souveraineté pour son pays. Voilà qui le rapproche de vladimir Poutine, qui n’est certes pas sans défaut, mais souhaite la grandeur de la Russie et le développement de son influence dans le monde. La lucidité d’un chef d’État se mesure aussi à ses alliances.

Dans un communiqué, le président russe l’a remercié de ses efforts pour "renforcer la paix, l'amitié et la compréhension mutuelle entre les peuples". Formule passe-partout qui tiendrait de la langue de bois s’il s’en était tenu là. Mais il a ajouté : "Votre attitude sincère et cordiale envers la Russie s'exprime par des actions concrètes", précisant que "ce n'est parfois pas facile et qu'il faut surmonter toutes sortes de stéréotypes et de préjugés".

Jean-Pierre Chevènement, un homme sans préjugés ? On pourrait lui reprocher d’avoir récemment appelé les Français à glisser un bulletin Emmanuel Macron dans les urnes, au deuxième tour de l’élection présidentielle, justifiant sa position par la nécessité "d’écarter Marine Le Pen". Il aurait pu se contenter de dire qu’il ne voulait pas choisir et préconiser le vote blanc – ce qui n’aurait rien changé au résultat.

Il avait pourtant, en 2015, noué un dialogue avec Nicolas Dupont-Aignan et souhaitait "réunir tous les patriotes de droite comme de gauche". Mais il n’a pas eu l’audace d’entamer des discussions avec la présidente du Front national, donnant ainsi la preuve qu’il n’est pas lui-même insensible aux stéréotypes ni aux préjugés qu’impose la bien-pensance.

Un autre bémol : pourquoi diable, lorsqu’il était ministre de l’Éducation nationale, en 1985, a-t-il cédé à la tentation de lancer le slogan, à la fois équivoque et hasardeux, de "80 % d'une classe d'âge atteignant le niveau du baccalauréat" ? Il a eu beau, par la suite, expliquer que son objectif était d’amener une plus forte proportion de jeunes à poursuivre leurs études, que 80 % au niveau du bac, ça n'était pas 80 % au bac, rien n’y a fait ! Ses successeurs se sont engouffrés dans la brèche, avec les démagogues de tout poil.

Jean-Pierre Chevènement est un homme qui, malgré son âge, n’a sans doute pas fini de surprendre. On peut penser que sa carrière politique est maintenant passée, en retenir surtout ses démissions fracassantes, sous les mandats de François Mitterrand, son opposition résolue au traité de Maastricht, son souverainisme constant et son sens de l’intérêt de la France. Mais sa voix peut encore compter.

Si j’osais lui donner un conseil, je lui dirais de peser dans le débat qui s’ouvre sur la réforme du baccalauréat en rappelant que le plus sûr moyen de réussir des études supérieures reste encore d’avoir acquis des bases solides dans le secondaire.

Si le ministre actuel semble être, lui aussi, un homme de bon sens et sans préjugés, on ne peut pas en dire autant de la rue de Grenelle ni de ces lobbies pédagogiques et idéologiques qui, depuis des décennies, ne savent accoucher que d’une pensée unique aussi impuissante que délétère.

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05 novembre 2017 à 14:37

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