Jean-Michel Blanquer : un iconoclaste de l’idéologie dominante

Le "discours égalitariste" est "destructeur" : c’est l’idée directrice de l’interview, publiée le 24 août, que Jean-Michel Blanquer a accordée à L’Obs. Tout le contraire de la politique de Najat Vallaud-Belkacem qui, par sa réforme du collège, avait supprimé les classes à options sous prétexte qu’elles accentueraient les inégalités.

Fût-elle sincère, il ne suffit pas d’être sincère pour avoir des idées justes. Sa pensée était gangrenée par l’idéologie égalitariste. Persuadée, comme nombre de sociologues bien en cour sous tous les ministères, que l’école a été façonnée par les élites pour les élites et qu’elle est socialement discriminante.

Jean-Michel Blanquer n’est pas un idéologue. Son expérience lui a donné une bonne connaissance des réalités du terrain. Il constate que ces options accusées d’élitisme ont, dans des collèges d’éducation prioritaire, des effets d’entraînement, de prestige, et favorisent la mixité sociale, puisque les enfants des classes moyennes sont incités à y rester, sans qu’on les y contraigne par la sectorisation.

Pourquoi les enfants des milieux socio-économiques défavorisés seraient-ils privés de culture ? Quelle aberration ! Les idéologues choisissent d’en priver tout le monde. Comme Procuste, ce brigand qui contraignait les voyageurs à s’étendre sur le même lit et coupait tout ce qui dépassait. Quelle hypocrisie aussi ! Car ces réformes sont faites pour les enfants des autres. Les familles bien informées ou disposant de relations s’arrangent pour inscrire les leurs dans de bons établissements, privés ou publics, voire hors contrat.

Le débat n’est pas nouveau. Richard Descoings, directeur de Sciences Po Paris, suscita la polémique quand il décida de supprimer l’épreuve de culture générale au concours d’entrée. Trop discriminant ! Chantre de la démocratisation de son école, il avait déjà inventé la discrimination positive en créant une voie dérogatoire pour des élèves de ZEP. Plutôt que de supprimer la culture générale, n’eût-il pas mieux valu prendre des dispositions pour en donner les bases à tous ?

Jean-Michel Blanquer veut rétablir une "école de la confiance". Dans la circulaire de rentrée 2011, il écrivait déjà, en tant que directeur général de l’enseignement scolaire (DGESCO) : "La réussite de chaque élève […] suppose aussi un esprit de confiance entre tous ceux qui œuvrent pour l'éducation." Dans cette interview, il réitère : "On parle beaucoup de la nostalgie de l’école d’autrefois. Mais je pense qu’il s’agit moins d’une nostalgie de l’école telle qu’elle était que d’une nostalgie de la confiance qu’on avait en l’école."

Ce pédagogisme, cet égalitarisme, qui minent depuis tant d’années le système éducatif, sont précisément la cause principale de son déclin et de la défiance à son égard. Le discours égalitariste pousse à détruire ce qui marche sous prétexte que tous n’en profitent pas. Sans permettre aux élèves des milieux défavorisés de s’en sortir. On préfère la médiocrité pour tous à la recherche de l’excellence pour le plus grand nombre.

Le ministre de l’Éducation nationale propose des pistes nouvelles, qui ne sont qu’un retour au bon sens. S’appuyant sur les découvertes des neurosciences, il remet en cause des "méthodes pédagogiques fragilisantes" utilisées avec "les publics les plus fragilisés". Il dénonce la méthode globale de lecture et préconise la méthode syllabique, relance les internats, remet en cause des dogmes du collège unique que les plus lucides qualifiaient, dès l’origine, d’"inique".

Reste à savoir s’il pourra mettre en œuvre ces mesures. Les esprits, à gauche, sont imbibés d’égalitarisme et d’anti-élitisme. Quant à la droite libérale, elle n’aspire, conformément aux directives de Bruxelles, qu’à former une masse d’exécutants dociles.

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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