Pour Boulevard Voltaire, Jean Messiha dénonce la décision du ministre de l’Intérieur de rapatrier 130 djihadistes "prétendument français" et de leurs familles, détenus en Syrie.

Lors de cet entretien, il évoque également les risques encourus avec la probable libération, en 2019, de vingt détenus revenus du djihad.

Vous dénoncez la décision de Christophe Castaner de faire rentrer en France des djihadistes français.

Je la dénonce à plusieurs titres.
D’abord, Christophe Castaner n’est pas en charge de la sécurité, du bien-être et du confort des ennemis de la France. En qualité de ministre de l’Intérieur, il est en charge du confort, de la sécurité et de la sauvegarde des intérêts des citoyens français. À ce titre, son seul gouvernail doit être l’intérêt, en l’espèce sécuritaire, supérieur de la nation.
Ensuite, dans le mot "rapatrier", on trouve le mot "patrie". Philosophiquement, ces djihadistes ont choisi la leur. Je rappelle qu’à titre symbolique, une fois arrivés sur le territoire de Daech, ces djihadistes prétendument français brûlaient, face caméra, leurs papiers d’identité française et faisaient allégeance à leur nouvelle patrie, l’État islamique.
Or, pour le Code civil français, l’article 27-3 dit que le gouvernement peut, par décret, déchoir de sa nationalité un Français qui ferait allégeance à un autre État ou qui se comporterait comme étant un citoyen d’un autre État. C’est donc très facile à mettre en œuvre juridiquement.
Enfin, une grande partie de ces djihadistes a la double nationalité. Pourquoi est-ce à la France de remuer ciel et terre pour les rapatrier alors même que les autres pays dont ces terroristes sont pourtant aussi les ressortissants n’ont pas levé le petit doigt pour tenter de les récupérer ou de les rapatrier ? Et on les comprend. Tout cela pose un problème quasiment psychologique.

Cette annonce tombe alors qu’on apprend qu’une vingtaine de revenants du djihad seront libérables en 2019...

Ce matin, je faisais un tweet en ce sens. Non seulement on a les produits locaux mais, en plus, on veut encore les enrichir d’importations. Je ne comprends vraiment pas cette logique qui consiste à maximiser le risque. De surcroît, celui qui le maximise est le comptable de sa réduction.
Par quoi est animé un ministre de l’Intérieur pour aller dans cette direction ? Les services de renseignement sont déjà débordés par les 10.000 ou 15.000 fichés S pour cause de radicalisation qui consomment une grande partie de leur temps disponible. Pourquoi leur ajouter en plus cette charge supplémentaire ?
Pourquoi n’applique-t-on pas le principe de précaution que l’on va appliquer sur le moindre aliment, lorsqu’on décide de l’interdire, alors que le pourcentage de risque est infinitésimal ?
Le risque, ici, est avéré, il est connu et il a déjà fait des dizaines, voire des centaines de victimes et de morts. Pourquoi n’applique-t-on pas, tout simplement, le principe de précaution en gardant enfermés ceux qui ont déjà représenté et qui continuent à constituer un danger ?
Des individus qui ont commis des crimes doivent rester sur place. D’ailleurs, quand un Français commet un crime à l’étranger, par exemple parce qu’il est accusé de trafic de drogue, on ne le rapatrie pas en France pour la simple et bonne raison que les besoins de l’enquête sont sur place. C’est là où se trouvent les indices et la scène de crime.
Beaucoup de Français sont enfermés dans des geôles étrangères pour trafic de drogue et divers autres crimes sans que la France s’échine à les ramener.

La loi anti-casseurs a été votée à l’Assemblée nationale. Les députés de votre famille politique se sont opposés à ce principe. Qu’est-ce qui vous gêne dans ce projet de loi ?

Le projet de loi doit être regardé dans un spectre politique un peu plus large. Tout cela doit être lu à l’aune de la signification politique et stratégique du mouvement des gilets jaunes. Le pouvoir de Macron est en total décalage avec le devenir du monde.
Le mouvement des gilets jaunes est le réveil de ce peuple français qui aspire à joindre sa voix à toutes les voix qui ont déjà reçu une traduction politique dans les urnes, notamment par l’élection de Donald Trump, par le vote du Brexit et par ce qui se passe dans les pays de Visegrád, en Italie et en Autriche.
On constate une fuite en avant du pouvoir macroniste. Il entend se perpétuer coûte que coûte, y compris avec une dérive presque totalitaire ou autoritaire. Le député Courson l’a très bien dénoncé hier, à l’Assemblée. Il est prêt à tout pour éviter le basculement de la France dans ce nouveau monde identitaire et souverainiste.
Il y a quelques semaines, je me demandais quel serait l’aboutissement de ce grand débat. Le grand débat ne répond à rien. Quelle est, alors, la prochaine étape ? C’est l’article 16, celui qui permet de donner les pleins pouvoirs au Président ?
On aperçoit, d’ailleurs, dans cette loi anti-casseurs l’interdiction de manifester pendant un mois. Des mesures sont directement tirées du dispositif prévu par l’article 16 de la Constitution. Toute cette dérive est très inquiétante. Elle est liberticide et n’augure rien de bon pour la santé démocratique de la France.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 01/02/2019 à 23:34.

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31 janvier 2019 à 16:00

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