Jean-Luc Mélenchon n’est pas le plus antipathique des hommes politiques – loin de là. Mais il peut arriver qu’il devienne inquiétant.

Participant, à Athènes, au lancement du parti de Zoé Konstantopoúlou, une ancienne de SYRIZA, il a prononcé un discours offensif contre l’Europe, prônant une Europe de la paix et de la solidarité. Il estime que "les règles d’organisation de l’Union européenne opposent les gens les uns aux autres dans les pays et entre les pays : c’est le règne de la compétition générale." Loin d’être eurosceptique, il défend une Union qui rompe avec le capitalisme et le libéralisme.

Il vaut la peine de revenir sur quelques éléments caractéristiques de ce discours. On s’aperçoit que, si certains de ses arguments peuvent être partagés par les souverainistes de droite ou du Front national, il s’oriente vers une Europe résolument de gauche et internationaliste. Il a précisé qu’en cas de victoire, une vingtaine de pays seraient prêts, s’ils n’obtenaient pas des garanties sociales, fiscales et démocratiques, à passer avec lui au plan B pour sortir de l’Europe actuelle.

Quand Jean-Luc Mélenchon dénonce une Europe où l’on a "seulement le droit de dire oui", on ne peut que l’approuver. La France en a fait l’expérience avec le référendum de 2005 dont ses dirigeants ne tinrent aucun compte. Le vote des Danois et des Irlandais fut pareillement méprisé. Étrange conception de la démocratie qui consiste à ne respecter l’avis du peuple que lorsque son vote convient aux gouvernants !

Quand il dénonce la toute-puissance de la Banque centrale européenne, qui fait la pluie et le beau temps sur la politique économique et financière des États membres, on peut encore le suivre. Ou encore quand il montre les abus de la directive sur les travailleurs détachés, qu’Emmanuel Macron se vante faussement d’avoir adoucie. Il n’a pas tort, non plus, quand il accuse les grands pays européens d’avoir "aidé les banques […] sur le dos des Grecs".

Mais quand il souhaite remplacer, dans l’enceinte de l’Assemblée nationale, le drapeau européen par celui de l’ONU, on se demande s’il ne nourrit pas le rêve de troquer l’Union européenne contre une Union mondialiste, au nom de l’utopie de la paix universelle dont on a vu, dans l’Histoire, les effets ravageurs. Faut-il rappeler que Staline ne cessa de renforcer l’Armée rouge, tout en se faisant le champion de la lutte contre le militarisme ? Et qu’Hitler voulait, à sa façon, imposer la paix ?

Loin de nous l’idée de comparer Mélenchon à Staline, encore moins à Hitler : son passé de trotskiste, tempéré de social-démocratie – selon l’itinéraire de beaucoup de socialistes – ne plaide pas pour ce rapprochement et il a su montrer son humanisme en d’autres occasions. Mais il devrait prendre garde à ne pas se laisser emporter par son verbe et son talent de tribun, qui sont aussi la marque des dictateurs.

Curieusement, il n’a pas dit un mot sur la crise migratoire, bien que la Grèce soit l’un des points d’entrée des migrants dans l’Union européenne. Pour des considérations humanitaires ou stratégiques ? Comme si les immigrés devaient se substituer à la masse des prolétaires en voie de disparition pour contribuer à la révolution.

Entre le Docteur Jekyll et Mister Hyde, Mélenchon doit choisir. Il serait dommageable que, comme dans le roman de Stevenson, Mr Hyde prît le dessus !

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28 octobre 2017 à 23:56

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