Dans un monde troublé, dans une France agitée, il y a comme une miraculeuse accalmie : on attend avec une extrême impatience la publication, le 4 janvier 2019, du roman de Michel Houellebecq, Sérotonine. Un temps, la littérature a pris le pouvoir.

Pour ma part, je n'aurai même pas besoin de le lire pour me confirmer que cet auteur est le plus grand romancier français. En effet la puissance ironique, prophétique et dévastatrice de chacun de ses ouvrages m'a, à chaque fois, comblé et bouleversé, tant leur limpidité narrative rendait encore plus sensible la présence des explosifs et des fulgurances que leur histoire enfermait.

Il me semble, toutefois, que mon regard sur lui a changé, s'est enrichi, et que mon attente fébrile s'est lestée d'une sorte de fierté à l'idée de savoir que Michel Houellebecq est français et qu'il appartient à notre communauté avec son intelligence provocatrice, ses choix politiques qui se moquent comme d'une guigne de ce que les médias officiels vont penser d'eux et son génie littéraire qui fait que son livre à peine lu, on voudrait amicalement le pousser le plus vite possible vers le prochain.

Il paraît qu'il a commencé à écrire Sérotonine alors qu'il souffrait d'une grave dépression avec une vie encombrée de beaucoup d'ombres et de dérives. Il a recouvré depuis, apparemment, un équilibre à sa façon, une harmonie selon ses critères, un bonheur forcément étrange avec lui.

Le signe, aussi, de l'incroyable aura de Michel Houellebecq est qu'il est parvenu à donner du talent et de la finesse à la plupart des critiques qui, depuis quelques jours, écrivent sur Sérotonine (Le Monde).

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Découvrant les photos de son mariage à la fois singulier et élégant (Le Figaro Magazine), j'avoue que voir Michel Houellebecq dans une tenue aussi peu accordée à ce qu'on pouvait imaginer de lui constituait la preuve manifeste d'une évolution qui surprenait en même temps qu'elle réjouissait beaucoup des lecteurs fanatiques de ses romans comme des aléas dominés de son existence. Je n'aurais pas détesté l'entendre chanter "Le Sud", de Nino Ferrer...

Michel Houellebecq ne serait-il pas entré dans un "territoire" avec une "carte" de normalité atypique, de banalité extraordinaire, de synthèse réussie entre les extravagances brillantes de sa nature et de son esprit et sa passion de l'humain, avec ses faiblesses, sa misère et ses chances de rachat ?

J'apprécie infiniment qu'il soit, d'une certaine manière, aussi redevenu des nôtres et qu'on puisse, sans l'offenser, se l'approprier, tant aujourd'hui il fait partie de ce dont la France a besoin : un pessimisme lucide, une liberté originale, une compassion bien ciblée, un talent unique, un génie de voyant grâce à la littérature comme outil magique.

Un miracle, que nous soyons haletants à l'approche de Sérotonine ? Peut-être pas. Michel Houellebecq, en effet, n'est jamais éloigné de notre vie, de la France d'aujourd'hui, des gilets jaunes qu'il annonce, de l'angoisse de disparaître, de la recherche éperdue d'un sens. Non pas un miracle, donc, mais une évidence.

Il jugerait ridicule mon titre mais je le maintiens. On est libre de choisir ses héros.

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30 décembre 2018 à 9:00

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