Quand Jawad Bendaoud regrette le bon vieux temps où il était dealer…

Comment mener une vie normale après avoir été sous les feux de la rampe ? Au contraire d’un François Hollande, qui a choisi de battre les estrades afin de renouer avec sa gloire d’antan, Jawad Bendaoud, naguère connu pour avoir été le « logeur » des terroristes du Bataclan, aimerait bien renouer avec sa vie d’avant, quand il était dealer. Nostalgie des jours heureux, quand tu nous tiens…

Interrogé par nos confrères de Libération, il se rappelle : "La coke, ça me rapportait deux, trois mille euros la journée. Ma compagne, moi, on avait des vêtements, des télés, des téléphones, tout." Le bon temps, en quelque sorte, celui où les petits métiers et le goût d’entreprendre étaient encouragés.

Et Daech, dans tout ça ? "Je suis pas un “terro” je vous dis. Je vous le jure sur mon fils que je ne savais pas qui était Abaaoud. [le « cerveau » de l’opération, NDLR] J’aurais foutu ma vie en l’air pour 150 balles ? Franchement… C’est ce que je me faisais en dix minutes en vendant de la coke et du crack, wallah, je suis pas un putain de “terro” !" Lui aussi aurait donc vu sa vie brisée par cette nuit de tuerie ? C’est à croire : "Moi, en taule, les gars de Daech voulaient me fumer parce que j’écoutais Booba et que je jouais à la Xbox…" Une autre victime collatérale du salafisme de combat, donc.

D’ailleurs, Jawad Bendaoud remarque, non sans raison : "En vrai, si je m’étais radicalisé, l’histoire aurait été plus simple. On aurait dit voilà, le gars de cité, c’était un “terro” qui dissimulait…" Il aurait pourtant tort de trop se plaindre, sa notoriété n’allant pas sans quelques avantages. Les femmes, tout d’abord. Celles qui lui envoient des photos dénudées sur son téléphone. Les autres, simples prostituées qui aimeraient qu’il assure leur promotion sur Internet. Sans oublier quelques demandes en mariage. Il lui faut donc s’organiser : "Je fais des listes. Les moches, je les ignore. Les autres, je les enregistre dans mon répertoire à T-Max. [modèle de scooter surpuissant, NDLR] T-Max parce que c’est des grosses cylindrées." Mûr pour une carrière à la Harvey Weinstein, le Roméo.

Et puis, les offres de travail, évidemment, son "Snapchat regorgeant de propositions pour promouvoir les kebabs de tout le 93", à en croire le reportage de Libération qui nous enseigne au moins deux choses.

La première est que la fascination féminine pour les voyous et les assassins n’est pas nouvelle. Dans sa prison, Charles Manson croulait, lui aussi, sous les lettres d’amour enflammées. Comme quoi la violence patriarcale a encore de beaux jours devant elle, n’en déplaise à Christine Angot et Caroline De Haas.

La seconde est que Jawad Bendaoud est le pur produit de cette infra-culture, vivier de l’actuel terrorisme islamiste sévissant en nos contrées. Loin de la querelle des islamologues Gilles Kepel et Olivier Roy, le premier diagnostiquant une "islamisation de la radicalité", tandis que le second stigmatise la "radicalisation de l’islam", il y a surtout des voyous passant d’un modèle à l’autre, de la racaille déguisée en rappeur américain au tueur salafiste, lui aussi affublé d’un autre déguisement, celui de musulman de carnaval ; tandis qu’un goût commun pour la violence gratuite assure la jointure.

Certaines mauvaises langues y verront le résultat de décennies d’immigration de masse et de décervelage généralisé, sur fond de « sales Français racistes qui détestent tous les étrangers » et de « France, pays de tortionnaires colonialistes » ; ils n’auront pas forcément tort. Ces mantras font déjà les ravages qu’on sait dans les têtes universitaires, tel Patrick Boucheron et son Histoire mondiale de la France. Imaginez alors ceux causés dans des esprits faibles autant que déracinés, désormais trop contents de jouir de la peur qu’ils inspirent, que leurs méfaits soient ou non perpétrés sous pavillon religieux.

Ils n’auront pas notre haine ? Mais peu leur importe ! Car de la haine, surtout celle de la France, ils en ont à revendre, l’ayant apprise dès leur plus jeune âge à l’école. Pour les recruteurs de Daech, le travail est déjà prémâché par nos institutions - institutions républicaines, comme de bien entendu.

Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

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