C’est une affaire inhabituelle qui a été évoquée au tribunal correctionnel de Paris, le 5 septembre dernier. Nathalie Haddadi y était prévenue d’avoir aidé son fils Belabbas Bounaga à se rendre en Syrie, en lui adressant de l’argent. Et le procureur a requis contre elle 18 mois d’emprisonnement assortis d’un mandat de dépôt, réquisitions plutôt rares à l’encontre d’une mère de famille.

Belabbas Bounaga est sans doute mort à l’heure qu’il est, tué dans les combats en Syrie. Après avoir purgé une peine d’emprisonnement, et frappé d’une interdiction de sortie du territoire français, il a rejoint son père en Algérie en novembre 2015 à l’aide d’un billet d’avion qui aurait été payé par sa mère. Ce que cette dernière ne nie pas, en prétendant l’avoir envoyé vers son père pour le « sauver », puis lui avoir adressé d’autres sommes alors qu’il se trouvait en Malaisie, non pour l’aider à se rendre en Syrie mais parce qu’il se serait fait agresser.

Une thèse qui n’emporte pas la conviction du parquet, pour qui madame Haddadi savait parfaitement ce que faisait son fils et n’a jamais rien su lui refuser. Le ministère public a également pointé du doigt les revirements et mensonges de la prévenue.

Si cette affaire est intéressante, c’est parce que ce genre de pratique se multiplie. Il n’y a pas que dans les séries télévisées que la famille se mobilise pour aider un de ses fils, au prétexte parfois de le sauver du pire, et lui procure des moyens d’aller combattre en Syrie ou ailleurs dans les rangs de l’État islamique. S’agit-il d’une question culturelle ? N’importe quelle mère sachant son fils empêtré dans une situation compliquée ferait sans doute tout ce qui est en son pouvoir, y compris dans l’illégalité, pour tenter de l’en sortir. Mais la question est autrement plus grave, puisqu’il s’agit, là, d’aider un jeune à se joindre aux rangs des islamistes qui combattent pied à pied au nom d’une religion qu’ils prétendent imposer au reste du monde.

On pourrait presque se féliciter que ces jeunes islamistes quittent le territoire et aillent se faire tuer ailleurs. Au risque de paraître cynique, dès lors que ces gens se déclarent l’ennemi de la France et des chiens d’infidèles qui la peuplent, il n’y a rien d’anormal à ce qu’ils l’abandonnent et rejoignent les troupes de l’adversaire. Et comme dans toute guerre, s’ils sont tués, cela ne fera verser de larme à personne. Ce sont les risques du métier. Il n’y a, d’ailleurs, qu’une chose à faire dans ce cas, c’est leur interdire tout retour sur le territoire français, à moins de les attraper et les déférer à la justice pour haute trahison, une incrimination malheureusement passée de mode. Reste l’intelligence avec l’ennemi prévue par l’article 411-4 du Code pénal, que les tribunaux n’appliquent pas.

Faut-il, pour autant, se féliciter qu’une femme donne à son fils les moyens de ses ambitions guerrières ? Sans doute pas. Aucun acte qui permet à un individu d’aider une puissance étrangère à agresser notre pays ne peut être admis, même au nom du « Bon débarras ! » que le bon sens commande. Le problème est ailleurs : tous ces gens habitent la France dont ils ont la nationalité. La détresse d’une mère n’explique pas tout. C’est l’ensemble de la société, du monde politique et du système éducatif qu’il faut interpeller : comment fait-on, désormais, pour que de tels actes soient considérés par leurs auteurs pour ce qu’ils sont, c’est-à-dire une haute trahison envers la nation ? Non sur le plan pénal, mais dans le cœur et l’intelligence ?

Que celui qui a la réponse à cette question apparemment insoluble lève la main…

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07 septembre 2017 à 9:45

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