Hôpital en crise : et si l’on arrêtait les gaspillages scandaleux ?

L’hôpital est en crise, ses personnels sont dans la rue.

Fin 2017, le déficit des établissements publics se chiffrait à 1,5 milliard d’euros, soit 2 % des budgets hospitaliers. Le président de la Fédération hospitalière de France (FHF) le disait alors : "Des réformes structurelles et financières sont désormais vitales." Il ajoutait : "C'est la qualité des soins qui est aujourd'hui menacée. […] L'hôpital ne peut pas être à la fois le pilier du système de santé et l'unique variable d'ajustement économique."

Selon la FHF, cette situation résulterait des "plans annuels d’économie". Possible, mais je m’interroge : des économies sur quoi, au juste ?

Je ne connais pas la situation des hôpitaux ni les arcanes de la gestion. Je suis seulement une citoyenne qui, hélas, les a pas mal fréquentés ces derniers temps et eu le temps d’observer. J’ai ainsi pu constater que les hôpitaux privés en contrat avec l’État étaient beaucoup plus accueillants, propres, mieux gérés manifestement – le personnel y semble notamment beaucoup plus heureux de son sort – que les grandes machines publiques. Et je ne parle pas, ici, des urgences, cette bouteille à l’encre.

Si je pose la question des économies, c’est parce que je découvre, effarée et scandalisée, l’invraisemblable gaspillage organisé et qui, à l’évidence, doit dramatiquement grever les budgets des hôpitaux et de la Sécurité sociale.

On nous dit que la tarification à l’acte comme critère de ressources a été une hérésie. Que, de ce fait, on multiplie les actes inutiles. "Le mode de tarification ne règle pas la question du bien-fondé des prestations", dit l’économiste Jean de Kervasdoué, soulignant que "pour le même problème médical, on opère plus dans certaines régions que dans d'autres". On manque de médecins mais on surmédicalise tous les actes de la vie, à se demander si ceci n’est pas une conséquence de cela. On distribue les IRM et les scanners comme des sucettes et le taux de césariennes est passé de 10 à plus de 20 % en trente ans, dépassant les 25 % pour les primipares ! Ayant aussi, hélas, fréquenté l’an passé durant des semaines un service de réanimation, j’ai vu qu’on y maintenait en vie artificielle des personnes très âgées, abandonnées à leur coma médicamenteux dans une chambre obscure où le monde des vivants se résume au bruit des machines. À 5.000 euros la journée, on pourrait peut-être s’interroger sur l’opportunité de ces "réanimations" ?

Enfin, dans ce parcours des souffrances intimes, je découvre aujourd’hui l’hospitalisation à domicile. Quand il n’y a plus de soins curatifs efficaces, mieux vaut, c’est vrai, retourner chez soi, dans son univers, plutôt qu’occuper un lit d’hôpital à quelques milliers d’euros la journée. La méthode est-elle source d’économies pour autant ? Très franchement, j’en doute, tant le fameux principe de précaution entraîne de gaspillages scandaleux.

Chaque jour ou presque sont livrés, en plus des médicaments, des cartons de gants, tabliers, produits de soins, savons, etc., sans compter le matériel type poches à perfusion et autres sondes. Le contenu de tout carton ouvert, utilisé ou non, est sans retour. Si l’on change le protocole de soins, tout part à la poubelle. Plus fou encore : chaque malade reçoit, avec son lit médicalisé, un matelas neuf, matelas de luxe à mémoire de forme. Si ce matelas doit être changé pour un autre plus adapté, il n’est pas repris. Là encore, direction la poubelle ! Et interdiction d’en faire don à l’hôpital, où les matelas ne sont bien sûr pas remplacés après chaque malade, mais changés seulement tous les dix ans (confidences de l’infirmière).

Des sommes astronomiques sont ainsi directement englouties dans la benne à ordures quand il semble que la seule variable d’ajustement économique de cet univers fou soit… les personnels !

Jusqu’à quand va-t-on marcher sur la tête ?

Marie Delarue
Marie Delarue
Journaliste à BV, artiste

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