Faute de présenter correctement son programme ou ses équipes, Emmanuel Macron raconte son histoire personnelle. Invité de France 2, il a ainsi déclaré : "Marine Le Pen est une héritière du système politique français. Elle a hérité de son parti, de son père, de ses idées. Moi, je suis l’émergence d’une nouveauté profonde, radicale." Il y a des choses à dire sur cette phrase, moins anecdotique qu’elle n’y paraît de prime abord.

Qu’a voulu nous expliquer Emmanuel Macron ? En première analyse, il essaye de contrer la normalisation de Marine Le Pen auprès des électeurs et des médias, la rattachant à Jean-Marie Le Pen. Pourtant, la candidate a su, au fil des ans, se détacher de la tutelle paternelle, en développant une méthode et une pensée originales. Elle n’est plus « la fille de ». On serait même tenté d’écrire que Jean-Marie Le Pen est devenu « le père de ».

Depuis le début de la campagne d’entre-deux-tours, Emmanuel Macron tente de rediaboliser Marine Le Pen. Interdit pendant trois jours, l’ancien conseiller économique de François Hollande pensait qu’un front républicain se mettrait en place, lui évitant de faire campagne et d’expliquer la politique qu’il compte mener si, d’aventure, il était élu. Las, ce ne fut pas le cas. Son véritable objectif se lit en filigrane de ses interventions publiques.

En effet, la pique gratuitement méchante d’Emmanuel Macron à l’endroit de Marine Le Pen trahit un double sens. En visant « l’héritière », il se pare des atours du fils de personne, celui qui aurait réussi à la seule force du poignet. Emmanuel Macron serait donc l’homme de la méritocratie républicaine. Bien sûr, ce n’est pas tout à fait exact. Il a pu compter sur des soutiens prestigieux tout au long de son ascension, devenant le véhicule semi-autonome des ambitions d’un petit nombre, notamment le monde de la finance.

Plus profondément, le marcheur semble vouer une détestation au principe « d’héritage ». Quand il se penche sur l’histoire de notre pays, c’est souvent pour nous faire porter une immense responsabilité collective, rarement pour en saluer le génie, la grandeur et l’importance. Avec lui, la France est lestée du poids des souffrances qu’elle aurait infligées aux peuples martyrs du monde. Pour le reste, nous n’aurions visiblement plus le droit de nous revendiquer d’un patrimoine hérité, qu’il soit matériel ou immatériel.

Emmanuel Macron refuse de comprendre que la France de demain ne sera puissante qu’en assumant pleinement ce qu’elle fut. Oui, nous sommes tous, chacun à notre manière, les « héritiers » de ceux qui nous ont précédés dans cette grande aventure qu’a été la construction d’un État, d’une nation et d’une culture qui lui est propre. Non, cela ne signifie pas que rien ne doit changer et que l’Histoire est figée. Le 7 mai, vous serez invités à répondre à une question quasi existentielle : voulez-vous accepter le legs de la France ou voulez-vous rejeter votre héritage ?

2289 vues

01 mai 2017 à 21:08

La possibilité d'ajouter de nouveaux commentaires a été désactivée.