Hausse des violences gratuites ou capitulation de l’autorité ?

Un collégien roué de coups dans l’enceinte d’un collège, un contrôleur SNCF agressé par un jeune sans billet, un SDF maltraité, des voitures dégradées ou incendiées, des poubelles volontairement renversées… Autant de faits divers, plus ou moins graves, qui montrent un regain d’agressivité dans notre société. Parfois, leurs auteurs publient fièrement leurs exploits sur les réseaux sociaux, comme ce jeune homme de vingt ans qui a diffusé les images d’un chien qu’il traînait derrière son scooter.

Peut-on qualifier ces violences de « gratuites » ? On se souvient du personnage de Lafcadio, dans Les Caves du Vatican d’André Gide : assis dans le compartiment d’un train ancien modèle, dont une porte donne sur la voie, en face d’un vieux monsieur maniaque (Amédée Fleurissoire), il lui vient l’idée de s’en débarrasser, d’ouvrir la portière, de le pousser en avant. Pour pimenter la situation, il s’en remet au hasard : "Si je puis compter jusqu’à douze, sans me presser, avant de voir dans la campagne quelque feu, le tapir est sauvé. Je commence : une ; deux ; trois ; quatre ; (lentement ! lentement !) cinq ; six ; sept ; huit ; neuf... dix, un feu..."

Un crime immotivé ? Un acte gratuit ? Voire. Ne veut-il pas, plutôt, se prouver qu’il est entièrement libre, au-dessus de toute contrainte sociale ou morale ?

Parler de violences « gratuites » ne paraît pas conforme à la réalité. Tout acte de violence contre autrui, d’humiliation, fût-il apparemment sans motif, est la manifestation d’une volonté de puissance et de transgression. Ce ne sont pas les plus courageux, généralement, qui s’attaquent à plus faible qu’eux, ni les meilleurs élèves qui ont un souffre-douleur. Mais ils ont l’impression d’être quelqu’un. D’où leur tendance à étaler leurs exploits : pour une fois, ils deviennent des vedettes.

Lorsque des groupes de « jeunes » s’attaquent, dans les banlieues, aux policiers, aux pompiers, aux chauffeurs de bus, ils n’expriment pas seulement leur malaise social, comme l’expliquent ceux qui leur trouvent des excuses, ils expriment aussi leur mépris des institutions. Tout comme, dans les établissements scolaires, contre des professeurs ou des représentants de l’administration. S’ils sont, parfois, tentés par le radicalisme islamique, c’est qu’ils justifient ce rejet par des raisons religieuses. Ces violences répétées sont une manière de braver les interdits et de refuser toute règle.

Si on excepte les violences commises par des malades psychiatriques – ce qui pose le problème de leur prise en charge –, force est de constater que toute violence est plus ou moins une forme de transgression. À l’égard de la loi, de l’ordre établi, d’une norme, de valeurs, d’une civilisation. Les auteurs de ces violences, qui n’ont rien de gratuit, profitent trop souvent de l’impunité, à cause d’une tendance angélique ou idéologique à vouloir tout expliquer par des déterminismes sociaux.

Si l’on veut que ces violences régressent, il faut croire aux vertus de l’éducation. Une éducation équilibrée, qui se fonde non pas exclusivement sur des interdictions, mais sur la volonté de faire comprendre les principes de vie en société. Une éducation qui sache punir et récompenser. Une éducation qui mette la maîtrise de la langue française au centre des programmes – car c’est elle qui permet de progresser dans les autres disciplines et de s’exprimer autrement que par la violence.

Il faut, enfin, que les adultes donnent l’exemple et, quand ils sont aux responsabilités, qu’ils manifestent la volonté d’entretenir les valeurs et le patrimoine de la France. La hausse des violences en France, c’est aussi la conséquence de la capitulation ou, pire, de la désertion de l’autorité.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 15/02/2018 à 18:33.
Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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