Guerre franco-anglaise de la coquille Saint-Jacques en mer

Capture d'écran
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« Le 31 du mois d’août, on vit venir sous vent à nous, une frégate d’Angleterre qui fendait la mer et les flots... »

Cette célèbre chanson, qui commémore la victoire du corsaire Surcouf sur les Anglais le 31 août 1800, est la chanson à boire préférée des Français.

Tel Louis de Funès fulminant, au volant de sa voiture, dans Rabbi Jacob, contre les « Angliches » qui le dépassent, ils n’aiment guère, en effet, se faire doubler par ces derniers.

Et, justement, ce 28 août 2018, c’est le cas pour la pêche à la coquille dans la Manche.

Les bateaux de pêche anglais raclent le fond des mers jusque dans les eaux territoriales françaises pour y pêcher les Saint-Jacques, tandis que les marins normands doivent rester les bras croisés jusqu’au 1er octobre en vertu des lois françaises de protection des espèces.

La question n’est pas nouvelle. En septembre 2012, déjà, France Info signalait la présence de « nombreux bateaux étrangers, principalement anglais, qui remontent de la coquille car ils ne sont pas soumis aux mêmes règles que les bateaux normands et pillent la ressource en ramassant tout, par centaines de tonnes par jour, sans trier et sans s’occuper de la taille des coquilles ».

Peu ou prou, cependant, un accord était trouvé chaque année, après d’âpres négociations.

Pas cette année ! Le Brexit est passé par là. "Après le 29 mars 2019, les Anglais seront considérés comme un pays tiers et n'auront plus accès à ces zones-là" dit un patron pêcheur au JT de France 2, "alors ils en profitent à fond, une dernière fois, forcément".

Du coup, les marins de Trouville et de Ouistreham ont vu rouge. Ils sont partis à quarante bateaux, dès l’aube, à la rencontre des Anglais, résolus à stopper la razzia, sous peine de revenir de la pêche les mains vides après le premier octobre.

Les Anglais n’ont pas aimé. Encerclés par les quarante bateaux français, ils ont répondu aux sommations en lançant contre eux leurs propres navires.

Alors, certes, ni les uns ni les autres n’avaient, comme dans la chanson, de « haches d’abordage, de pics et de mousquetons », mais avec le bruit des chocs violents et des cris et les lueurs rouges et blanches des fumigènes, on se serait cru en plein bataille navale. Par malheur, comme le note Le Huffington Post, « les Britanniques exercent une pêche industrielle sur des bâtiments de plus de 30 mètres, alors que la pêche côté français se pratiquant de manière artisanale sur 300 bateaux d'une quinzaine de mètres en moyenne ». Un marin, filmé sur place par France Info, constate tristement : "Nos bateaux sont en bois ou en plastique. Les leurs en fer. Résultat : trois bateaux français dont la coque a été heurtée de plein fouet sont fortement endommagés. Mais tant pis pour les avanies, les Anglais sont partis, c’est l’essentiel" dit-il.

D’après le récit d’un passager de La Confiance, lorsque la petite frégate française heurta, dans le golfe du Bengale, le majestueux navire anglais Le Kent, le valeureux Surcouf cria « À l’abordage ! » pendant que les flancs des deux navires, poussés l'un contre l'autre par la puissante dérive du Kent, se froissaient en grinçant avec une telle violence qu'ils menaçaient de s'ouvrir ou de se séparer.

Parions que les quarante pêcheurs normands, en ce 31 du mois d’août, fêteront en même temps sa victoire d’alors et la leur en chantant après boire le célèbre refrain, mais avec une variante, sur la fin :

« Et merde aux pêcheurs d’Angleterre, qui nous ont déclaré la guerre ! »

Catherine Rouvier
Catherine Rouvier
Docteur d'Etat en droit public, avocat, maitre de conférences des Universités

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