Guerre contre Daech : on a gagné ou pas ?

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En avril 2016, Jean-Yves Le Drian, alors ministre de la Défense, déclarait : "2016 doit être l’année du début de la fin de Daech." Un an après, en juin dernier, le général irakien Abdel Ghani al-Assadi, un responsable des troupes d’élite du contre-terrorisme, affirmait : "Dans les prochains jours, nous annoncerons la victoire finale sur Daech." Le 26 août dernier, Jean-Yves Le Drian, dans son nouvel habit de ministre des Affaires étrangères, alors qu’il se rendait en Irak, confiait aux journalistes qui l’accompagnaient : "C’est une période de bascule entre une guerre qui touche à sa fin et le début de la stabilisation et de la reconstruction."

Et jeudi 9 novembre, Emmanuel Macron, en visite sur notre base militaire d’Abou Dhabi, signe, en quelque sorte, un bulletin de victoire digne de ceux de la Grande Armée, en proclamant : "Presque deux ans jour pour jour après ces attentats [ceux du 13 novembre 2015 à Paris et Saint-Denis], nous avons gagné." Devant le front des troupes, un "Nous avons gagné", solennel, presque théâtral, après quelques secondes de silence, comme pour mieux insister. La proclamation tourne en boucle dans les médias. À deux jours du 11 novembre, ça tombe impeccable.

L’horizon s’éclaircirait donc et ne reculerait plus, comme pourraient le laisser à penser les déclarations successives évoquées plus haut ? Emmanuel Macron, lui-même, répond à cette question. En effet, la veille de ces mâles propos, le Président, en marge de l’inauguration du Louvre d’Abou Dhabi, a donné une interview à France 2. À la question d’une journaliste "Daech est en train de perdre la quasi-totalité de son territoire. Est-ce qu’on peut parler de victoire ?", Emmanuel Macron répond : "Je serai très prudent. Nous allons, je le pense, je l’espère et nous faisons tout pour…" Bref, ce n’est pas gagné. "Nous faisons tout pour une victoire militaire, en zone irako-syrienne, dans les prochains mois." "Dans les prochains mois", prononcé très vite…

Par ailleurs, et à juste titre, le Président évoque le risque de "poches de déstabilisation dans la région" ainsi que les projets des terroristes islamistes dans la corne de l’Afrique, en Libye et dans la bande sahélo-saharienne. "Nous aurons de nouvelles terres de lutte, indéniablement, contre Daech, Al-Qaïda, Boko Haram ou tout autre groupement qui émergera… Donc, la bataille n’est pas finie." La guerre non plus, donc.

"Et puis, il y a la bataille sur Internet, dans nos sociétés", poursuit le Président. On se dit, là, que le Président va entrer dans le dur, évoquer les sujets qui fâchent, la guerre contre l’ennemi intérieur, le traitement du mal à sa racine. On l’aura compris, "dans nos sociétés" étant une formule un peu vague et intellectuelle, pour ne pas dire : ici, en France, chez nous, sur notre territoire national, dans les zones où la République ne fait plus la loi.

Il faut lutter contre la propagande des terroristes sur Internet, nous dit un Emmanuel Macron qui sera "intraitable avec les acteurs du numérique" et affirme que "nous devons, nous-mêmes, avoir notre propre propagande". Des propos qui ne manquent pas de saveur, car prononcés le jour-même où les petits amis du Président levaient l’immunité parlementaire de Marine Le Pen parce que, justement, cette dernière a osé faire de la propagande antiterrorisme islamiste !

Mais là où l’on voit que la guerre n’est pas gagnée avec Emmanuel Macron comme chef, c’est lorsqu’il déclare : "C’est un projet [le sien, on l’aura compris] pour réparer nos sociétés, pour éviter que des femmes et des hommes puissent être attirés par ce message de mort." Derrière ces mots, sans doute cette idée, développée durant la campagne présidentielle, que l’on réglera le « problème » par le seul traitement économique. Pas certain que cela suffise pour démobiliser en face…

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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