À chaque fois que j'ai l'occasion d'évoquer le livre où je fais parler "Emmanuel Macron qui se dit que...", je suis questionné avec curiosité mais parfois avec une sorte de condescendance, comme si j'étais un naïf pour considérer que, sur le plan humain et intellectuel, le président de la République était exceptionnel et qu'en tout cas, sur ce registre, il me passionnait davantage que Nicolas Sarkozy ou François Hollande.

Je parviens mal à faire comprendre que ma dilection n'est absolument pas un quitus donné à sa politique, qui n'en est d'ailleurs qu'à ses débuts. Ce n'est pas la première fois que je relève qu'on n'a pas le droit, en France, de ne pas détester globalement ou de ne pas aimer absolument. L'esprit partisan gangrène tout et il est hors de question de trouver des qualités à qui on est opposé ou des défauts à qui on adhère.

Pourtant je m'interroge sur le risque d'impasse de la volonté présidentielle de dépasser la droite et la gauche.

D'abord parce que si leurs valeurs sont différentes, elles ont cependant un socle commun. Il n'y a pas sur tout un gouffre entre la droite et la gauche, tout simplement parce que, assez souvent, le réel à affronter égalise et homogénéise.

L'alternative à laquelle sont confrontés le président de la République et ceux qui le soutiennent est limpide.

Le dépassement de la droite et de la gauche conduit à un "ailleurs" qui devrait représenter une création originale, jamais vue ni pensée, ou il condamne, malgré son ambition affichée, à picorer à droite ou à gauche, en butinant ici ou là, avec l'élaboration pragmatique d'un "centrisme" puisé à des sources contradictoires dont le pouvoir tenterait de faire une synthèse acceptable.

Je crains que nous nous trouvions de plus en plus face à la seconde branche de l'alternative et ce ne serait pas une surprise, tant il paraît difficile, dans un monde saturé, d'innover et d'ouvrir des chemins jamais foulés.

L'exemple le plus éclairant de cette banalité obligatoire réside dans "ces grands chantiers de la Justice qui seraient enfin lancés". Malgré la démagogie qui consiste seulement à s'indigner de l'état de nos prisons sans considérer en même temps qu'elles seront de plus en plus nécessaires et que les peines alternatives ne pourront pas se substituer à elles, je confirme mon billet du 28 septembre : la prison n'est pas le mal absolu !

Sans désobliger ceux qui ont réfléchi sur ce nouveau projet, l'impression dominante est qu'il répète, ressasse, ne va pas bouleverser pour le meilleur le paysage judiciaire en améliorant surtout tout de suite l'efficacité du service public et en favorisant enfin une relation de confiance entre les magistrats et les citoyens. Contrairement à ce qui est trop souvent dit, ceux-ci ont le droit de tout exiger de ceux-là, et non pas l'inverse, à entendre certaines pétitions de principe de professionnels enfermés dans leur arrogance institutionnelle.

Ces "grands chantiers" sont classiques, divers, avec l'évidente annonce de consultations destinées à aboutir au printemps 2018. Ce n'est pas, en tout cas, le formidable "coup de fouet" dont la Justice aurait eu besoin. Nul dépassement de la droite et de la gauche mais un salmigondis honorable. Rien de plus (Le Figaro).

Pas le bouleversement d'un ailleurs fulgurant, d'une rupture éclatante, d'une espérance sortant enfin de l'ordinaire.

On continue, c'est tout.

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08 octobre 2017 à 11:09

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