Au fond, on ne s'émeut, on ne souffre que des dérives ou des faux pas de ceux qui vous sont proches, familiers, de ceux qu'on estime, qu'on respecte.

Qu'importe le lamentable Johnny Depp qui a déclaré à un festival de musique en Angleterre qu'il était "peut-être temps" qu'un acteur tue Donald Trump. Il s'est excusé : "J'essayais juste d'être amusant." Il est vrai qu'avec Donald Trump, dont le comportement est parfois étrange, on a le droit de tout se permettre et qu'aucune limite ne doit être mise à son obligatoire détestation !

Qu'importe ce déplorable humoriste Frédéric Fromet qui s'est moqué odieusement, sur France Inter, du torero espagnol Fandiño encorné ! Des associations ont protesté mais cette indécence n'a pas indigné au-delà du champ étroit des passionnés de la tauromachie. La mort n'est plus un tabou et d'aucuns croient infiniment drôle d'ajouter à la douleur d'une famille.

Que pouvait-on attendre, d'ailleurs, de ces deux univers si piètrement, si vulgairement représentés ?

En revanche, le Premier ministre Édouard Philippe est et a une personnalité singulière, réactive, intelligente et ses propos donnent au moins l'impression de la spontanéité et de la sincérité.

Quand j'ai appris qu'il avait nommé son meilleur ami Gilles Boyer comme conseiller à Matignon, je n'ai pas voulu y croire. L'un et l'autre étaient les deux plus proches d'Alain Juppé et jusqu'au bout ils l'ont soutenu. Édouard Philippe a accepté la charge et l'honneur de Premier ministre parce qu'il adhérait à la vision transpartisane et déstabilisante du président de la République. Gilles Boyer, lui, s'est présenté aux élections législatives à Nanterre et il a été battu.

Cette tradition française qui "recase" les vaincus et donne forcément un point de chute à ceux que le sort, aidé par eux-mêmes, a éliminés est plus qu'agaçante. Elle donne le sentiment que le domaine de la politique est à part, que ses privilèges, aussi anodins qu'ils soient, sont bien réels et que tous les discours de moralisation se briseront par exemple sur les choix inspirés par l'affection, le souvenir ou la solidarité. Le pouvoir s'octroie de petites privautés qui choquent d'autant plus dans une période qui fait de l'éthique et de la décence au quotidien un devoir.

Je devine aisément ce que le Premier ministre me répondrait s'il avait le temps. Gilles Boyer est compétent et ce n'est pas parce qu'il est mon ami cher et qu'il a été défait aux législatives que je dois me priver de sa présence politique.

Peut-être, mais cette démarche relève plus de la complaisance que de la bonne idée. Le Premier ministre si lucide se l'est autorisée et je pense qu'il a pris un risque, minime certes, mais tout fait sens aujourd'hui. Rien n'est anodin.

Faudra-t-il se contenter de la seule exemplarité de l'amitié alors qu'on rêverait de beaucoup d'autres ?

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27 juin 2017 à 9:00

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