Rarement, au cours des soixante dernières années, la bien-pensance n’aura autant modelé les esprits. Elle impose ses idées, ses façons de raisonner, aidée (comme jamais auparavant) par une alliance d’intérêt économique avec les principaux acteurs des médias et des arts. Elle cherche à cloisonner la circulation de l’information comme on créerait une route à sens unique, définissant ce qui peut être dit et comment il peut être commenté, condescendant, de manière contrôlée, à ouvrir la porte à ce qui peut être débattu. Mais rejetant bec et ongles toute affirmation différente, toute information perturbante.

À titre d’exemple, elle censure et condamne les propos marginaux, racistes, homophobes, ou sexistes. Mais n’évoque jamais les drames de la France pauvre, les dégâts causés par nombre de migrants, le bilan de l’immigration musulmane, la partition du pays et ses zones de non-droit, la représentativité politique, quand 24 % des votants ne se retrouvent que dans 6 députés sur 577. La France-qui-va-bien refuse d’évoquer sa face obscure. Occupant l’espace médiatique de ses pensées conformistes, elle voue à l’ironie, la raillerie ou l’oubli la pensée différente. La bien-pensance devient pensée unique.

Pour progresser dans l’opinion, pour la monopoliser, elle utilise ses deux vecteurs essentiels : l’illusionnisme et la palabre. Par l’illusionnisme, elle captive l’attention du peuple sur des sujets mineurs afin que s’échappent de son champ de vision les problèmes sociaux majeurs. C’est le rôle des « affaires » qu’on jette en pâture à l’opinion : Benalla, le référendum aux élections européennes, l’écriture inclusive ou l’interdiction de la fessée… Ensuite, par la palabre, la « parlote », elle invite généreusement à communiquer, mais sur des thèmes prédéfinis, sans risque pour ses auteurs et ses acteurs, dans une sorte d’immense trompe-l’œil qui évite d’aborder les vrais problèmes de face : le grand débat national en est l’expression la plus sonore aujourd’hui. Illusionnisme et palabre pour masquer les vraies explications attendues, qui restent tues ou étouffées. Notre Président est un maître dans l’exercice de ces deux techniques de manipulation.

Il reste peut-être un espoir. C’est paradoxalement parce que la bien-pensance devient pensée unique qu’elle porte les germes de sa fin : sous le poids du nombre de ceux qui veulent entendre autre chose, et de ceux qui veulent simplement être entendus, l’équilibre médiatique est déjà en train de se transformer. L’apparition et la durée des manifestations des gilets jaunes (les vrais, pas les casseurs), la disparité de leurs revendications, et celles de leurs porte-voix ont (ou ont eu ?) la fraîcheur d’un vent nouveau : celui qui fait basculer les attentes, les Audimat®, les contenus rédactionnels, voire les journalistes eux-mêmes. Laissant plus d’espace et de décibels à l’expression des problèmes de fond. Et au penser « différent ».

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28 février 2019 à 9:36

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