La ligne bleue des Vosges semble démodée depuis qu’il n’y a plus de frontières. Désormais, c’est la ligne rouge qui est tendance. Tout le monde veut la sienne. Obama en avait fixé une en 2012 en Syrie : l’usage de l’arme chimique par Assad. Ligne effacée en 2013. Et puis, il y a les lignes fixées par nos femmes et hommes politiques français, à l’occasion, par exemple, d’une matinale, histoire de faire ou refaire parler de soi. En général, c’est toujours la même : la ligne rouge face à l’ennemi héréditaire, j’ai nommé le Front national. Tous les hiérarques LR, ou presque, ont dessiné au moins une fois, sans trembler, à main levée et les yeux fermés, cette ligne écarlate.

Gérard Larcher, président du Sénat, à son tour, vient de fixer la sienne ou plutôt les siennes, dans une conférence de presse donnée mercredi 24 janvier. Elles concernent la réforme de nos institutions. Une réforme promise par le candidat Macron, puis par le Président du même nom lorsqu’il s’adressa au Parlement le 3 juillet 2017.

Quelles sont ces lignes rouges, du moins les principales ?
Tout d’abord, le cumul des mandats dans le temps. Le président de la République veut les limiter à trois consécutivement. L’argument est de faire respirer notre démocratie. Faut que ça circule, comme la finance… Faire respirer la démocratie ? Voire. Ne serait-ce pas plutôt l’asphyxier, car en limitant le nombre de mandats dans le temps, on limite en fait la volonté du peuple souverain. Et si on est content de son élu et qu’on veut le garder ? C’est, en tout cas, l’argument du président Larcher.

Ensuite, M. Larcher souhaite que la réduction du nombre de parlementaires voulue par le président de la République préserve "le lien entre les parlementaires et nos territoires". Rappelons que le candidat Macron promettait de réduire "d’environ un tiers le nombre de députés et de sénateurs". Cela fait, en gros, 150 à 200 députés et une centaine de sénateurs en moins. Cela veut dire aussi, pour les députés, des circonscriptions plus grandes et, donc, mécaniquement, plus de terrain à labourer. Les Français qui souhaitent cette réforme seront-ils les mêmes qui se plaindront à l’avenir de ne pas connaître leur député… Mais bon ! Gérard Larcher, qui connaît la popularité relative de la chambre haute, ne peut que se ranger à ce principe de la réduction du nombre de parlementaires. Il souhaite, néanmoins, qu’il y ait au moins un député et un sénateur par département. Mais peut-on imaginer Emmanuel Macron assez stupide pour franchir une telle ligne rouge ? Il connaît l’attachement des Français au département.

En ce qui concerne cette fameuse « dose de proportionnelle », Gérard Larcher n’y est pas favorable. C’est évident. Mais il ne le dit pas comme ça. Il dit : "Elle ne peut être que minoritaire. 25-30 %, c’est trop." Bref, des miettes. Sur ce chapitre, le président du Sénat agit tout simplement comme le syndicaliste de service de sa formation politique qui a toujours été opposée à la proportionnelle. Et l'on sait pourquoi, notamment depuis que le Front national lui taille des croupières sur sa droite. L'argument pour la galerie : un mode de scrutin qui serait contraire à l’esprit de la Ve République.

À propos d’esprit de la Ve République, on notera, non sans amusement, qu’à l’évocation d’un éventuel recours au référendum - si aucun accord n’émergeait entre l’exécutif et la majorité du Sénat pour que cette réforme institutionnelle ait une chance d'aboutir par voie parlementaire -, le "gaulliste" Larcher n’hésite pas à déclarer qu’"on ne résout pas une crise de confiance par un coup politique". Gérard Larcher devrait réviser son histoire de la Ve République, notamment les dix premières années…

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26 janvier 2018 à 18:55

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