Si, paraît-il, les Français ont la "passion" de l’égalité, leurs gouvernants, quant à eux, sont en proie à la folie de l’égalitarisme. Dans son discours devant les députés et sénateurs réunis, ce 9 juillet, en Congrès à Versailles, le président de la République, déclinant ce qu’il entendait par « État-providence du XIXe siècle », a annoncé l'ouverture prochaine du droit de vote pour toutes les personnes handicapées mentales mises sous tutelle.

Disons-le tout net, en prenant le risque assumé de heurter les âmes sensibles : c’est certainement l’annonce – et, prochainement, la décision qui aura force de loi – la plus stupide qui ait jamais été proférée.

Attention, entendons-nous bien : il ne s’agit nullement de manifester une quelconque "handiphobie" à front de gnou, mais d’admettre tranquillement et sereinement que parmi les plus fragiles d’entre nous, certains méritent une protection renforcée et inconditionnelle de la société.

C’est le cas des handicapés mentaux ou psychiques, parfois et par surcroît, malheureusement affublés d’un handicap physique. Ceux-là méritent le soutien total des institutions sanitaires et sociales ad hoc, lors même que les moyens sont loin d’être équitablement distribués, des patients devant émigrer en Suisse, en Belgique ou aux antipodes pour trouver une structure en mesure de les accueillir dignement.

En France, il existe ce que l’on appelle des mesures de protection juridique à destination des plus vulnérables. Aux termes de l’article 425 du Code civil, « toute personne dans l'impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d'une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l'expression de sa volonté peut bénéficier d'une mesure de protection juridique prévue au présent chapitre ».

On remarquera l’incise « une altération de ses facultés [...] de nature à empêcher l'expression de sa volonté » qui justifie, précisément, le recours à l’une des trois mesures protectrices, entre la sauvegarde de justice (article 433 du Code civil), la curatelle (article 440) ou la plus grave, la tutelle « prononcée que s'il est établi que ni la sauvegarde de justice, ni la curatelle ne peuvent assurer une protection suffisante ».

Cela signifie donc que les personnes déficientes mentalement placées sous tutelle sont, non seulement dans l’incapacité de réfléchir, de conceptualiser, de communiquer et de décider, c’est-à-dire de faire preuve de discernement (ce qui explique la mesure de protection), mais en outre, parce qu’elles doivent être constamment entourées, sont nécessairement sous influence.

En résumé, l’état intellectuel de ces personnes (pas moins de 700.000 en France, soit 20 % des personnes handicapées selon l’UNAPEI) ne leur permet nullement d’émettre un jugement libre et éclairé, sauf exceptionnellement, en fonction du degré de déficience constaté, ainsi que le reconnaît implicitement l’article 5 du Code électoral qui confie au juge judiciaire le pouvoir de « statuer sur le maintien ou la suppression du droit de vote de la personne protégée ».

Bref, l’annonce présidentielle est aussi démagogique qu’empreinte d’un relativisme cynique. D’abord, elle ravale l’opération électorale du vote, qui suppose la faculté d’opérer un choix, à un acte purement mécanique où la raison ne jouerait qu’un rôle insignifiant. Ensuite, elle court le risque de banaliser une telle procédure en la généralisant erga omnes ; aujourd’hui, les déficients mentaux sévères, demain les prisonniers, après-demain, les étrangers…

En chute dans les sondages, Jupiter-Macron se raccroche pitoyablement à toutes les branches qu’il trouve, quitte à instrumentaliser la souffrance des handicapés à des fins bassement politiciennes. Une honte d’État !

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10 juillet 2018 à 20:50

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