Général de Villiers : l’honneur de la cohérence

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Dans une tribune publiée le 20 juillet sur Boulevard Voltaire, Yann Vallerie évoque l’hypocrisie de la droite qui vante "le mérite, le courage, l’honneur de celui qui a osé, pour la première fois dans la Ve République, dire non au Président". Il faudrait, bien évidemment, s’entendre sur ce qu’on appelle la droite, mais là n’est pas le propos. Et c’est vrai que si l’on pense à cette droite qui se reconnut longtemps dans Sarkozy et, le temps d’une Bérézina, dans Fillon, je serais tenté d’être du même avis que Yann Vallerie.

En effet, où était cette droite, si prompte à prendre la défense de la patrie, sabre de bois au clair, lorsque Nicolas Sarkozy et François Fillon décidèrent de supprimer 54.000 postes dans la Défense, une des plus terribles saignées que nos armées connurent depuis des décennies et dont nous subissons encore les conséquences : pour faire court, un an pour dissoudre un régiment, cinq à dix ans pour reconstituer un régiment aguerri ? C’est vrai qu’à la droite de l’échiquier politique, à l’exception du Front national et de Debout la France, ce fut silence dans les rangs à l’époque et l’on approuva sans broncher les mesures de réduction d’effectifs qui, disons-le, étaient uniquement motivées par des raisons budgétaires et non pour une mise en adéquation aux menaces : une politique de la courte vue...

Alors, c’est vrai, le contraste entre le silence assourdissant de l’époque et les cris d’orfraie d’aujourd’hui est effectivement saisissant et l’on ne peut s’empêcher de lâcher le mot : hypocrisie !

Là où je ne peux être d’accord sur le raisonnement de Yann Vallerie, c’est lorsqu’il estime que le général de Villiers, finalement, et en poussant le raisonnement à l’extrême, aurait dû démissionner de l’armée le jour même où il devint militaire !
Oui, entré à l’armée en 1973, Pierre de Villiers "a passé sa carrière à obéir", comme le rappelle Yann Vallerie. C’est, d’ailleurs, l’honneur et le devoir des militaires depuis toujours : "Car, moi qui suis soumis à des supérieurs, j’ai des soldats sous mes ordres ; et je dis à l’un : Va ! et il va ; à l’autre : Viens ! et il vient", explique le centurion à Jésus (Matthieu 8). Saint Luc rapporte que Jésus, entendant ces paroles, fit part de son admiration.

"A passé sa carrière à obéir à des politiques effroyables", précise Yann Vallerie. C’est là que nous entrons dans le domaine du subjectif. Qui juge qu’une politique est effroyable ? Quel est le degré d’effroi ? À quel degré de cet effroi devrait-on, au reste, démissionner ? Pierre de Villiers n’a effectivement pas démissionné lorsque la France a bombardé la Serbie en 1999. Je n’ai, personnellement, pas grande sympathie pour l’État kosovar, mais le colonel de Villiers (à l’époque) commandait un régiment et n’avait pas en charge la politique internationale de la France !

Le militaire est un instrument du politique et il doit le rester. À Waterloo, du maréchal Ney en passant par le général Cambronne, jusqu’au jeune Fabrice del Dongo, les soldats ne dissertaient pas sur l’effroyable politique internationale de Napoléon ! Un instrument qui n’est cependant pas aveugle et sans jugement. Les limites sont en effet clairement posées par la loi et les règlements qui en découlent (c’est le b.a.-ba que l’on apprend lorsque l’on fait ses classes) : le militaire "ne doit pas exécuter un ordre prescrivant d’accomplir un acte manifestement illégal ou contraire aux règles du droit international applicable dans les conflits armés et aux conventions internationales en vigueur".

L’honneur du général de Villiers est celui, tout simple, de la cohérence, chose assez rare aujourd’hui. On me donne une mission ; j’estime ne plus avoir les moyens de remplir cette mission ; j’en rends compte en démissionnant.

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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