"Just do it", "start-up nation"… Derrière ses incantations de façade sur une francophonie conquérante, le globish systématique qui parsème les réseaux sociaux et interventions publiques d’Emmanuel Macron, au grand dam notamment des observateurs québécois, ne fait aucun mystère de son mépris pour la langue et la culture françaises dont la défense serait, à l’en croire, l’apanage des « grincheux ».

Il est vrai que de Bruxelles à l’Afrique subsaharienne en passant par le Maghreb, la défense du français fait de plus en plus figure de chimère réactionnaire. En témoigne le recul sidérant de la langue de Molière dans les institutions européennes après le tournant de l’élargissement aux pays de l’Est, et ce, en dépit de l’imminence du Brexit et de notre statut de contributeur net. Une situation à laquelle je suis confrontée quotidiennement et qui se caractérise par la domination sans partage de l’anglais, aussi bien dans les documents internes que les réunions de travail - alors même que la sortie du Royaume-Uni ravalera la langue de Shakespeare à la 17e place sur les 24 langues officielles que compte l’Union.

La situation n’est guère plus reluisante sur l’autre rive de la Méditerranée, où la question de la substitution de l’anglais au français comme langue véhiculaire et administrative revient comme un serpent de mer - ce changement a, d’ailleurs, été acté en 2008 par le Rwanda. Au reste, selon l’UNESCO, l'Afrique subsaharienne devrait créer 2,1 millions de postes d'enseignants supplémentaires d'ici 2030 pour atteindre les objectifs d'éducation universelle, condition sine qua non de l’ancrage du français dans les pays concernés. Or, les initiatives de l’Organisation internationale de la francophonie, comme la formation à distance des instituteurs, si elles sont louables, n’en restent pas moins pour l’heure de portée modeste. Des faits qui infligent un démenti cinglant aux promesses mirifiques d’une langue française en haut du podium mondial en 2050, avec près de 750 millions de locuteurs.

Comment pourrait-il en être autrement alors que la fierté et le respect pour notre langue battent chaque jour un peu plus de l’aile dans le pays qui en fut le berceau, au travers du nivellement par le bas dramatique des programmes scolaires, de la disparition du passé simple aux lubies pédagogiques telles que le « prédicat » ? Il est grand temps que la France reprenne en main la valorisation du trésor qu’est le français, par un plan d’action mondial à la hauteur des enjeux, des banlieues parisiennes aux rives de Madagascar.

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24 mars 2018 à 11:23

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