Avant de s’envoler pour Erevan afin de présider le XVIIe Sommet de la Francophonie, notre vénéré président de la République est allé prendre un revigorant bain de foule dans un lieu qu’il affectionne particulièrement sur les bords de Seine : l’ancienne halle Freyssinet reconvertie en Station F.

Station (prononcer stéïcheune) F, c’est l’entrée dans le monde de demain. Une vitrine. Exactement un campus de start-up créé par Xavier Niel et dirigé par Roxanne Varza. Il paraît que c’est « le plus grand campus de start-up au monde ». Si si. Ils sont comme ça, les Français, ils se détestent mais ils ont toujours la plus grosse, la plus grande et la plus belle du monde.

Station F a été inauguré le 2 juillet 2017 par Anne Hidalgo et le frais émoulu Président annonçant son intention de faire du pays une start-up nation (prononcer néïcheune). Il y est donc retourné prendre un bol de vitamines avant son sommet de vieux barbons. C’était mardi dernier, le 9 octobre.

Le Président s’est exprimé avec un indicible bonheur devant les startuppers de la French Tech, ceux qui participent au Fighters Program comme à ceux du Founders Program, des gens qui lèvent des fonds auprès des business angels. Il était comme un poisson dans l’eau – pardon, un fish in the water –, notre Emmanuel.

De ce côté-là, tout va bien, c’est même l’euphorie chez les startuppers. Après la scoumoune de l’été, ça le change, ce garçon. « Le premier défi, c’est de passer à l’échelle et d’accélérer le décollage, de “scale up”, comme on dit en bon français », qu’il leur a dit. Allons-y donc pour le “scale up”. Comme le relève ironiquement Le Huffington Post, le Président français, « plus disruptif que jamais, a conquis son auditoire à grands coups de “take for good”, “privacy”, “space and defense”, “early stage”, “lead” et autres “commodity” empruntés à l'anglais ».

« À n'en pas douter, la “start-up nation” a fait son grand retour dans le “process” présidentiel », conclut Le Huff. C’est sans doute pourquoi le Président, ouvrant deux jours plus tard le Sommet de la Francophonie, a appelé à "réinventer" la Francophonie que d’aucuns jugent « trop institutionnelle ». « Ce n’est pas un club convenu, un espace fatigué », a-t-il poursuivi ; elle doit devenir « un lieu de reconquête ». em>« La Francophonie doit être le lieu du ressaisissement contemporain, et le français, la langue du refus de ce qui se passe, la langue d'une ambition commune », a gazouillé Emmanuel Macron sur son téléphone. C’est une bonne idée, un beau projet que le président de la République devrait commencer à mettre en œuvre sur sa propre personne.

Une petite reconquête du français dans son cerveau dévoré par le globish des affaires ne lui ferait pas de mal, et sans doute beaucoup de bien aux Français s’il espère pouvoir s’en rapprocher un jour…

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12 octobre 2018 à 18:07

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