Les États-Unis et la Corée du Nord, dont les relations étaient déjà dégradées, sont en passe de franchir un point de non-retour depuis le virage interventionniste de Donald Trump, qui s'est mis en tête de "régler" le dossier nord-coréen. La Chine et la Russie, soutiens informels de Kim Jong-un, semblent jouer la politique de l'apaisement en proposant aux deux parties une résolution diplomatique de la crise. Nos amis chinois et russes font ce que notre couardise nous interdit : agir selon leurs intérêts et avoir une politique étrangère indépendante.

Le silence criant de la France sur ce dossier tend à démontrer que nous sommes devenus un État de seconde zone sur le plan diplomatique. Bien loin de l'époque où la France se voyait en arbitre des conflits israélo-arabes et se rapprochait du bloc de l'Est, au grand dam de Washington. En 1969, des députés gaullistes et communistes fondaient l'Association d'amitié franco-coréenne, suscitant l'ire de la vieille droite antibolchevique.

En 2017, des vassaux atlantistes nous servent de Président et de ministres, acquiesçant comme des garçons de café aux velléités dominatrices d'un empire dont ils se plaisent à être les caniches, prêts à infléchir sans sourciller la politique étrangère française sur une ligne édictée par l'Oncle Sam selon ses intérêts propres. La France s'est très tôt prononcée pour Séoul, dans le contexte bipolaire de la guerre froide, malgré l'opposition du PCF et du RPF. Aucune relation entre Paris et Pyongyang ne s'est par la suite établie, la droite y étant opposée, la gauche n'osant franchir ce pas.

Contrairement à d'autres pays européens, la France n'a donc pas fourni d'aide humanitaire à la Corée du Nord lors des inondations meurtrières qui ont touché le pays en 2007. Un mépris qui conduit le gouvernement nord-coréen à modérer sa francophilie, notamment en remplaçant progressivement le français (principale langue étrangère enseignée dans les écoles) par l'anglais, pourtant considéré comme la langue de l'ennemi. Cocorico !

Si la France se pince le nez et détourne la tête, préférant maquiller en moralisme intransigeant son incapacité à se défaire du joug états-unien, les pays non alignés ont opté pour une stratégie plus pragmatique : sans soutenir ouvertement le régime de Pyongyang, ils le considèrent pour ce qu'il est, c'est-à-dire un État qu'il est nécessaire de prendre en compte dans le concert des nations. Une realpolitik qui relègue au bac à sable postures morales et états d'âme.

Richelieu, cardinal, prit fait et cause pour les pays protestants durant la guerre de Trente Ans, au nom de l'intérêt suprême de la France. Si ses successeurs avaient le centième de son sens politique, voici ce qu'ils feraient : quitter l'OTAN et déclarer la neutralité de la France tout en s'opposant informellement à l'Oncle Sam, nouer des alliances avec les pays du tiers monde afin de constituer un réseau francophile, se poser en arbitre des conflits et oser parler à tous, a fortiori aux ennemis de l'impérialisme yankee ; enfin, sortir du droit-de-l'hommisme et agir uniquement selon nos intérêts. Serions-nous moins intelligents que nos amis russes et chinois ?

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/01/2020 à 18:07.

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17 avril 2017 à 20:45

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