Les procès en place publique, menés sans vergogne par une presse qui s'arroge tous les droits, sont régulièrement dénoncés par celles et ceux qui croient encore aux vertus d'une justice démocratique et républicaine. Pourtant, l'émission de France 2, « Envoyé spécial », diffusée ce jeudi 14 juin, vient de donner un nouvel exemple de ce que certains journalistes n'hésitent pas à s'ériger en justiciers en lieu et place de ceux dont c'est la fonction.

Sous le titre accrocheur de "Scandale chez les stups", un des sujets abordés lors de cette émission concernait une affaire survenue en 2015, au cours de laquelle François Thierry, alors patron de l'OCRTIS - Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants -, avait été mis en cause par l'un de ses « indics ». Pourtant, le fond du dossier, à l'analyse, apparaît bien mince. En effet, il repose sur la découverte, en octobre 2015, de sept tonnes de cannabis dissimulées à bord de fourgonnettes, lesquelles étaient stationnées boulevard Exelmans à Paris, à proximité du domicile d'un certain Sofiane Hambli, par ailleurs indicateur du commissaire Thierry. Ce qui semblait être une livraison surveillée, permettant de mettre à jour des réseaux de trafiquants de drogue sévissant dans plusieurs villes de France, est rapidement devenu une chasse aux sorcières au cœur de laquelle François Thierry a fini par faire l'objet de tous les soupçons.

Cependant, au grand dam des journalistes concernés, l'enquête menée par les enquêteurs de l'Inspection générale des services (la police des polices) n'a rien révélé qui ait été susceptible d'incriminer l'ancien chef des « stups ». Bien plus : celui-ci, après trois jours de garde à vue, a été libéré et muté dans un autre service de police. Cette seule mesure d'élargissement de celui qui était présenté, par France 2, comme l'instigateur d'un système national, voire international, de trafic de stupéfiants aurait pourtant dû inciter ses détracteurs à la prudence. En effet, dans ce genre d'affaire, la mise en détention est quasiment systématique dès lors qu'existe une possibilité de connivence entre les mis en cause. Dans ce cas d'espèce, les juges en ont donc décidé autrement. C'est dire que cette affaire est loin d'être aussi limpide que ce que les journalistes d'« Envoyé spécial » voulaient le faire croire.

Car pour eux, aucun doute quant à la culpabilité de François Thierry. Et pour donner du poids au reportage, rien n'a manqué. Témoignages de personnages douteux, visages floutés et voix déformées, images d'appartements de luxe, forcément payés avec l'argent de la drogue, et même témoignages d'avocats, qui n'ont pas manqué, tant l'occasion était trop belle, de commencer leurs plaidoiries en faveur de délinquants mis en cause dans ce dossier et déjà incarcérés.

Aujourd'hui, personne ne peut prétendre sérieusement que François Thierry est coupable ou innocent de quoi que ce soit. Deux juges d'instruction sont saisis, et leurs investigations, seules, sauront dire ce qu'il en est vraiment de cette affaire, il est vrai, hors normes par les quantités de cannabis en cause. Ce sont ces élémentaires précautions que France 2, chaîne de télévision publique, financée par le contribuable, s'est empressée de fouler aux pieds. Aucune des garanties relatives à la présomption d'innocence n'a été respectée dans ce film qui n'a été qu'à charge et qui, in fine, n'a abouti qu'à discréditer l'ensemble des policiers qui travaillent dans ce domaine ô combien difficile de la lutte contre les stupéfiants.

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15 juin 2018 à 14:41

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