La photo du couple présidentiel, à l’Élysée lors de la fête de la Musique, entouré de danseurs auprès desquels les Village People faisaient figure de Petits Chanteurs à la croix de bois, n’en finit plus de faire les gros titres des gazettes. Rappelons que la rumeur voulait que la polémique ait été initiée par la « fachosphère », alors que, tel que noté par Gabrielle Cluzel en ces colonnes, c’est Yann Barthès qui, à l’occasion de son émission « Quotidien » sur TMC, a le premier levé le lièvre. Si Yann Barthès participe de la « fachosphère », alors moi, je suis membre honoraire du CRIF.

Il n’empêche que le feuilleton vient de rebondir ce 1er juillet, avec les propos d’un proche conseiller d’Emmanuel Macron, relayés par Le Journal du dimanche : "Ce qu’il a fait est une formidable transgression." Pourquoi ? Tout simplement parce que "c’est comme quand Louis XIV allait voir Tartuffe et que tous les dévots de l’époque, qui sont les mêmes aujourd’hui, hurlaient au scandale". Pour anonyme qu’il soit, on espère au moins que le fayot en question est financé par Bonduelle ou Cassegrain, eu égard à son inégalable zèle. Et le même lèche-fion de s’esbaudir : "On est très content parce qu’on est tous louis-quatorziens !"

Il y avait la verticalité du pouvoir, évoquée par le successeur de François Hollande ; voici maintenant l’horizontalité des courtisans. Ainsi Emmanuel Macron serait-il une sorte de Président-Soleil. Mais alors, qui est son Molière ? Il devait pourtant bien être là, habilement grimé en drag-queen, juste pour donner le change. Mais il suffit d’aller farfouiller sur Facebook pour dénicher le grand homme.

Il ne se nomme évidemment pas Jean-Baptiste Poquelin mais Pierre Hache, plus connu sous le nom de scène de Kiddy Smile. C’est un DJ ; comprenez, un pousseur de disques. La preuve que nous avons affaire à un génie, c’est qu’il est incompris, même de sa communauté : "Je comprends que beaucoup des gens, qui suivent ce que je fais, ont pu être choqué et consterné par ma presence a la fete de la musique de l’elysée donc je tenais a expliquer pourquoi j’ai accepté cette invitation et quelle est ma démarche." L’orthographe, comme le style, c’est l’homme. Cette dernière a donc été soigneusement préservée par nos soins.

Et Kiddy Smile d’expliquer : "Je sais ce que représente l’Elysee en terme d’oppression et d’histoire QPOC/POC(*) & la communauté LGBTQIA+ ainsi que la répression des migrants mais je crois fermement au high jacking du pouvoir en place de l’intérieur et a la creation du discours la ou il n’y en a plus/pas."

Pour faire oublier Molière, il y a encore du boulot. Mais pour la provocation préméditée, ça tient la rampe, le bon docteur Kiddy s’étant pour l’occasion transformé en méchant monsieur Smile. Après tout, pourquoi pas ? Que les services compétents de l’Élysée aient été abusés, c’est surprenant, mais peut encore se concevoir.

Ce qui se conçoit moins aisément, c’est qu’un dindon puisse se réjouir de la mauvaise farce qui lui a été faite. Surtout au vu des précisions de l’artiste : "Cette invitation à mixer dans la demeure temporaire de Macron se présente a moi comme une opportunité de pouvoir faire passer mes messages : moi fils d’immigrés noir pédé."

Bref, Kiddy Smile confond Élysée et bureau de poste, tandis que les mignons du monarque ne savent pas faire la différence entre Molière et un mauvais sosie de Vincent Mc Doom.

À ce niveau de jobardise, ce n’est pas Tartuffe qu’il faut citer, mais Le Bourgeois Gentilhomme.

(*)QPOC/POC, pour Queer Person of Color ou Person of Color. Cette dénomination est actuellement très à la mode sur les campus universitaires américains. Les USA sont vraiment la terre de tous les possibles.

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02 juillet 2018 à 19:52

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