Ferrand : faites ce que je dis, pas ce que je fais

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Il y a bien une affaire Ferrand, un « Ferrandgate », n’en déplaise à Laurence Haïm, qui soulignait sur les chaînes d’information en continu "l’immense probité" du nouveau ministre de la Cohésion des territoires. À bien y regarder, il y a même deux affaires Ferrand, imbriquées l’une dans l’autre : un problème éthique, relativement au CDD de son fils en tant qu’assistant parlementaire, et un problème de favoritisme, voire de conflit d’intérêts, datant de la période lors de laquelle monsieur Ferrand était le directeur général des Mutuelles de Bretagne, qui fédèrent plusieurs mutuelles de santé du Finistère. Des polémiques qui tombent très mal, au moment où Emmanuel Macron entend « moraliser la vie politique » française en adoptant une série de mesures, dont certaines sont frappées du sceau de la démagogie la plus pure. Tragi-comique quand on se souvient que la nomination des ministres du gouvernement Philippe avait été retardée de deux jours pour éviter que des casseroles n’entachent les 100 premiers jours du Président Macron !

Monsieur Ferrand, qui n’a pas démissionné, comptant sur la prochaine élection législative comme « juge de paix » - ce qui ne sera pas sans rappeler l’attitude de François Fillon -, s’est paré d’atours vertueux tout au long de la campagne présidentielle. Le 23 février dernier, au plus fort du Penelopegate, il publiait ainsi sur le réseau social Twitter : "Nous veillerons à ce que nos candidats aux législatives n’aient pas de conflits d’intérêts, et n’embauchent pas de membres de leur famille." Sûr de son fait, ou se sentant protégé par des forces supérieures, Richard Ferrand en rajoutait une couche le 12 mai, pointant du doigt les parlementaires qui seraient tentés d’embaucher un membre de leur famille… ce qui reste parfaitement légal.

À titre personnel, cela ne me semble pas choquant qu’un parlementaire puisse employer un membre de sa famille, s’il est compétent et qu’il accomplit effectivement la tâche qui lui a été assignée, mais l’hypocrisie de Richard Ferrand est aussi sidérante que révoltante. Lui-même a embauché son très jeune fils comme assistant parlementaire, pour un confortable salaire. Plutôt que de faire amende honorable après la révélation de cette histoire par Le Canard enchaîné, son équipe de communication s’est montrée d’une inqualifiable arrogance, justifiant cette embauche en nous encourageant à "faire un tour en Centre-Bretagne" pour que nous puissions constater à quel point il serait difficile d’y trouver "un jeune, volontaire, pour travailler cinq mois, qui sait lire et écrire correctement, aller sur internet". Voilà qui devrait plaire à ses électeurs, qualifiés de fainéants analphabètes pas même capables de lancer une recherche sur Google… Quant aux territoires dont monsieur Ferrand est chargé d’assurer la cohésion, ils sauront désormais que seuls les habitants des métropoles semblent trouver grâce aux yeux des start-uppers du ministère.

En plus de donner un job d’été à son fils, Richard Ferrand a trouvé de jolis locaux à son épouse. Sandrine Doucen, avocat brestois et épouse, à la ville, de Richard Ferrand, a emporté un marché immobilier lors de la location d’un logement commercial, obtenant un prêt à 100 % accordé par le Crédit agricole du Finistère pour l’achat et les frais. Une décision prise avant même que la SCI acquéreur n’ait été enregistrée au greffe du tribunal de commerce ! Un montage très finaud puisque madame Doucen a acheté les locaux en sachant que les Mutuelles de Bretagne loueraient le bien et prendraient à leur charge les frais de rénovation… N’importe qui achèterait dans pareilles conditions, car il n’y avait tout simplement aucun risque pris par l’acquéreur, assuré d’être remboursé et de réaliser une plus-value très importante. Dans le domaine des finances, on parlerait d’un délit d’initié.

Que monsieur Ferrand, donneur de leçons devant l’éternel, soit aujourd’hui ministre est un vrai scandale. Et ce, d’autant plus que le parquet national financier, pourtant si prompt à lancer des enquêtes, ne bougera pas le petit doigt. Y aurait-il une justice à deux vitesses ? Je ne veux pas le croire mais le doute est permis.

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