Les fenêtres sur cour de M. Bilger…

Le-voyeur

Peut-être connaissez-vous l'histoire de cette brave dame qui appelle la police pour faire constater que des jeunes gens s’exhibent sans pudeur dans l’appartement d’en face, de l’autre côté de la rue. Les policiers, qui n’ont sans doute rien d’autre à faire ce jour-là, débarquent chez la brave dame, vont à sa fenêtre pour constater la chose.

Mais on ne voit rien depuis votre fenêtre, ma bonne dame ! De là, oui, monsieur l’agent, lui retourne, la dame. Mais d’ici, croyez-moi, on voit tout, ajoute-t-elle, en montrant de son doigt le sommet de l’armoire Louis-Philippe...

C’est en lisant le papier de M. Bilger au sujet de Marion Maréchal-Le Pen, et publié hier dans ces colonnes, que je me suis souvenu de cette histoire. L’esprit de montée d’escalier, diront certains.

Mais revenons à notre gardienne de la vertu. Les journées sont effectivement longues pour elle, surtout en plein mois d’août. La rue n’est pas toujours très passante, tout le monde est parti en vacances - ou presque. Rien de bien intéressant à se mettre sous la dent, à inscrire sur ce petit carnet confidentiel qu’elle tient depuis des années. Les lumières de fenêtres d’en face restent désespérément éteintes le soir. Elle sait tout, voit tout, observe tout, consigne tout. Elle aurait pu en remontrer à Hitchcock, d’ailleurs. Tiens, prenez celles du troisième, par exemple. Derrière ces fenêtres vivent des gens vraiment bien sous tout rapport. Lui, très en vue, beau gosse, intelligent comme personne. Belle situation. Elle, vingt ans de plus que lui. Une ancienne prof qui s’habille comme une gamine de 30 ans mais tellement délicieuse. Ils n’ont pas d’enfants. Tant mieux, au moins ça fait moins de bruit...

Alors, lorsque notre James Stewart en jupon a constaté que la fenêtre de la chambre de l’appartement du 5e s’éclaire actuellement tous les soirs, et à des minuits passés, alors qu’habituellement tout est éteint comme chez les poules à 21 h 00, vous imaginez sa curiosité. Mais il a fallu monter sur l’armoire de la tante Mélanie pour mieux voir ce qui s’y passe, au risque de se péter le col du fémur. Horreur ! C’est la fille de la maison qui reçoit, pendant que les parents – des gens si convenables – sont à La Baule. Qui reçoit quoi, qui ? Un homme. Cette jeune fille, si intelligente, si belle, si bien élevée, dans les bras d’un homme. Et quel homme ? Car évidemment, cette concierge à temps perdu (et elle en a, du temps...) connaît tout sur ce jeune homme.

Dans son carnet, la dame s’empresse alors de noter le lendemain matin, chicorée prise : "Marie (elle s’appelle Marie) a le droit d’aimer qui elle veut et de mener sa vie comme elle l’entend"... "J’ai bien conscience qu’il est déjà de mauvais goût (la vieille dame est lucide vis-à-vis d’elle même, c’est déjà ça) de s’immiscer si peu que ce soit (si peu ?) dans une liaison qui ne concerne que le couple. Et pourtant ! Comment expliquer qu’en apprenant cette information, j’ai éprouvé comme une légère déception"...

Plus loin encore, dans le précieux carnet à spirales, en guise de conclusion de sa page d’écriture quotidienne : "Avec ce jeune homme, elle a coupé court aux fantasmes ! Ne reste que la réalité." On en déduit que la dame a des fantasmes. Au fond, quelque part, c’est rassurant.

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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